Comme
pour Abdallahi Ould Oubeid, le seul martyr de l’indépendance (ou pour l’indépendance),
oublié de toutes les célébrations, d’autres Mauritaniens illustres méritent d’être
rappelés à la mémoire de leurs compatriotes. La Mauritanie d’aujourd’hui est
constituée à 80% de jeunes de moins 30 ans. Autant dire une majorité de gens
qui n’ont pas «une grande idée» de leur pays. Ce pays qu’ils ont vu tourner au
rythme d’un tourbillon fou, sans repères, sans but… Pour leur dire que les
Mauritaniens n’ont pas toujours été ces êtres enfermés dans leurs égos,
intéressés par leurs seules communautés, n’ayant d’autre ambition que pour
eux-mêmes… que les pères – et leurs pères parfois – croyaient eux à ce pays, à
l’unité de sa population, à sa capacité de se bâtir comme nation indépendante
et ouverte.
On
m’a raconté qu’il y a quelques années, des journalistes étrangers venus
interviewer feu Ba Mamadou Samboly ont été surpris par les propos de l’homme qu’ils
voulaient entendre parler d’un «apartheid mauritanien» et qui leur
refuse de le prendre sans être entouré de «ses enfants». Les journalistes
vont savoir qu’il ne s’agit pas des fils et filles Samboly, mais aussi des
enfants des maisons Bidhanes du quartier. Si bien que lors de l’enregistrement
de l’interview, il y avait plus d’Arabes autour de ce patriarche que de Pulaars.
C’est «sa» Mauritanie qu’il a voulu ainsi mettre en exergue. Nous savons
par ailleurs que les journalistes étaient venus en quête d’autre chose. Ils ne l’auront pas parce que
Ba Mamadou Samboly croit à une Mauritanie unie dans sa diversité et cette foi
il a toujours voulu lui donner corps. Ce n’est pas au crépuscule d’une vie
pleine de combats en des valeurs d’unité qu’il va se laisser faire des
journalistes venus d’ailleurs en quête de ce qui divise, l’espace d’un
entretien. Mais qui est Ba Mamadou Samboly ?
J’ai
lu récemment une reprise d’un article écrit par des connaisseurs de l’homme
dont notre confrère et maître Ablaye Ciré Ba (avec Abderrahmane NGaïdé et
Babacar Diagana) qui nous apprend que l’homme est né le 8 janvier 1920 sans
dire où. Mais on suppose que c’est quelque part dans l’actuel Gorgol. C’est en
tout cas à Kaédi, puis à l’école supérieure Blanchot de Saint-Louis du Sénégal
et enfin à l’Ecole normale des instituteurs de Sébikotane qu’il parfait son
éducation moderne. Il est enrôlé dans les forces françaises pendant la seconde
guerre mondiale et ne revient qu’à la fin de cette guerre. Il choisit alors de
s’installer dans sa vraie patrie, la Mauritanie qui reste encore à faire. Il est
l’une des icones de ce passé marqué par la lutte pour l’indépendance puis par l’aventure
de la construction d’un Etat moderne.
Membre
de l’Union générale des originaires de la Vallée du Fleuve (UGOVAF) qui donnera
l’essentiel de ce que sera le parti de l’Entente mauritanienne, parti
nationaliste et unitaire. L’éclatement de l’Entente au lendemain de son échec aux
élections de 1956 lui donne l’occasion de revenir à sa première posture de
porte-drapeau de la défense des intérêts des habitants de la Vallée. Il fonde
le Bloc démocratique du Gorgol (BDG). Une posture qui en fait un élément essentiel
du dialogue politique qui est entamé au Congrès d’Aleg de mai 1958. Ce qui le
prépare à l’entrée au premier gouvernement de 1959. Avant d’être ministre des
finances en 1961. Avant d’être président de l’Assemblée nationale.
En
1966 (février), les évènements scolaires qui prennent un caractère interethnique,
font suite à la publication d’un manifeste signé par 19 personnalités
originaires de la Vallée du Fleuve. Ba Mamadou Sambouly est soupçonné d’en être
l’instigateur parce qu’il a eu le courage d’en parler ouvertement au Président
Moktar Ould Daddah. Il est démis de la présidence de l’Assemblée et envoyé
préfet à Chinguitty. En bon commis de l’Etat et en fils prévenant de cette
Nation qui restait à construire, il acceptera ce poste «pour ne pas jeter de
l’huile sur le feu». Même si cela va signer sa rupture avec les affaires
publiques.
Il
est attiré par les affaires et reprend avec d’autres de ses amis, les fameux
Etablissements Lacombe qui deviennent la Société mauritanienne de bâtiment
(SOMABAT). Une autre bataille réussie dans la mauritanisation des activités des
entreprises.
«Sa
mémoire – comme celles de tous les fondateurs – mérite d’être partagée,
sauvegardée. Il importe pour cela que la jeunesse s’intéresse à ceux encore
vivants qui peuvent témoigner sur le parcours d’hommes qui, par leur position
et leur courage, ont vécu sous l’ombre de l’anonymat. Mamoudou Samboly Ba fait
partie de ces hommes. Il est parti après avoir travers presque un siècle,
emportant avec lui des souvenirs inestimables». Ecrivent les auteurs du
texte de référence. Pour eux, comme pour moi, «réhabiliter toutes les
figures historiques nationales, serait non seulement reconnaitre leur mérite,
mais inscrire dans notre mémoire collective le souvenir d’hommes et de femmes
qui ont participé à la proclamation de notre souveraineté nationale à un moment
crucial de notre histoire».
Mamoudou
Samba Boly Ba, ou comme on l’appelle communément «Ba Mamadou Samboly»
nous a quittés le 4 janvier 2012. Il mérite d’être célébré comme tous les pères
fondateurs.
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