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mardi 3 décembre 2013

Une figure historique à célébrer

Comme pour Abdallahi Ould Oubeid, le seul martyr de l’indépendance (ou pour l’indépendance), oublié de toutes les célébrations, d’autres Mauritaniens illustres méritent d’être rappelés à la mémoire de leurs compatriotes. La Mauritanie d’aujourd’hui est constituée à 80% de jeunes de moins 30 ans. Autant dire une majorité de gens qui n’ont pas «une grande idée» de leur pays. Ce pays qu’ils ont vu tourner au rythme d’un tourbillon fou, sans repères, sans but… Pour leur dire que les Mauritaniens n’ont pas toujours été ces êtres enfermés dans leurs égos, intéressés par leurs seules communautés, n’ayant d’autre ambition que pour eux-mêmes… que les pères – et leurs pères parfois – croyaient eux à ce pays, à l’unité de sa population, à sa capacité de se bâtir comme nation indépendante et ouverte.
On m’a raconté qu’il y a quelques années, des journalistes étrangers venus interviewer feu Ba Mamadou Samboly ont été surpris par les propos de l’homme qu’ils voulaient entendre parler d’un «apartheid mauritanien» et qui leur refuse de le prendre sans être entouré de «ses enfants». Les journalistes vont savoir qu’il ne s’agit pas des fils et filles Samboly, mais aussi des enfants des maisons Bidhanes du quartier. Si bien que lors de l’enregistrement de l’interview, il y avait plus d’Arabes autour de ce patriarche que de Pulaars. C’est «sa» Mauritanie qu’il a voulu ainsi mettre en exergue. Nous savons par ailleurs que les journalistes étaient venus en quête  d’autre chose. Ils ne l’auront pas parce que Ba Mamadou Samboly croit à une Mauritanie unie dans sa diversité et cette foi il a toujours voulu lui donner corps. Ce n’est pas au crépuscule d’une vie pleine de combats en des valeurs d’unité qu’il va se laisser faire des journalistes venus d’ailleurs en quête de ce qui divise, l’espace d’un entretien. Mais qui est Ba Mamadou Samboly ?
J’ai lu récemment une reprise d’un article écrit par des connaisseurs de l’homme dont notre confrère et maître Ablaye Ciré Ba (avec Abderrahmane NGaïdé et Babacar Diagana) qui nous apprend que l’homme est né le 8 janvier 1920 sans dire où. Mais on suppose que c’est quelque part dans l’actuel Gorgol. C’est en tout cas à Kaédi, puis à l’école supérieure Blanchot de Saint-Louis du Sénégal et enfin à l’Ecole normale des instituteurs de Sébikotane qu’il parfait son éducation moderne. Il est enrôlé dans les forces françaises pendant la seconde guerre mondiale et ne revient qu’à la fin de cette guerre. Il choisit alors de s’installer dans sa vraie patrie, la Mauritanie qui reste encore à faire. Il est l’une des icones de ce passé marqué par la lutte pour l’indépendance puis par l’aventure de la construction d’un Etat moderne.
Membre de l’Union générale des originaires de la Vallée du Fleuve (UGOVAF) qui donnera l’essentiel de ce que sera le parti de l’Entente mauritanienne, parti nationaliste et unitaire. L’éclatement de l’Entente au lendemain de son échec aux élections de 1956 lui donne l’occasion de revenir à sa première posture de porte-drapeau de la défense des intérêts des habitants de la Vallée. Il fonde le Bloc démocratique du Gorgol (BDG). Une posture qui en fait un élément essentiel du dialogue politique qui est entamé au Congrès d’Aleg de mai 1958. Ce qui le prépare à l’entrée au premier gouvernement de 1959. Avant d’être ministre des finances en 1961. Avant d’être président de l’Assemblée nationale.
En 1966 (février), les évènements scolaires qui prennent un caractère interethnique, font suite à la publication d’un manifeste signé par 19 personnalités originaires de la Vallée du Fleuve. Ba Mamadou Sambouly est soupçonné d’en être l’instigateur parce qu’il a eu le courage d’en parler ouvertement au Président Moktar Ould Daddah. Il est démis de la présidence de l’Assemblée et envoyé préfet à Chinguitty. En bon commis de l’Etat et en fils prévenant de cette Nation qui restait à construire, il acceptera ce poste «pour ne pas jeter de l’huile sur le feu». Même si cela va signer sa rupture avec les affaires publiques.
Il est attiré par les affaires et reprend avec d’autres de ses amis, les fameux Etablissements Lacombe qui deviennent la Société mauritanienne de bâtiment (SOMABAT). Une autre bataille réussie dans la mauritanisation des activités des entreprises.
«Sa mémoire – comme celles de tous les fondateurs – mérite d’être partagée, sauvegardée. Il importe pour cela que la jeunesse s’intéresse à ceux encore vivants qui peuvent témoigner sur le parcours d’hommes qui, par leur position et leur courage, ont vécu sous l’ombre de l’anonymat. Mamoudou Samboly Ba fait partie de ces hommes. Il est parti après avoir travers presque un siècle, emportant avec lui des souvenirs inestimables». Ecrivent les auteurs du texte de référence. Pour eux, comme pour moi, «réhabiliter toutes les figures historiques nationales, serait non seulement reconnaitre leur mérite, mais inscrire dans notre mémoire collective le souvenir d’hommes et de femmes qui ont participé à la proclamation de notre souveraineté nationale à un moment crucial de notre histoire».

Mamoudou Samba Boly Ba, ou comme on l’appelle communément «Ba Mamadou Samboly» nous a quittés le 4 janvier 2012. Il mérite d’être célébré comme tous les pères fondateurs.

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