Les
Bidhânes considèrent qu’il existe cinq saisons. Trois «majeures» qui sont «Likhriiv»,
«Shta» et «Eçayf». La première correspond à l’hivernage, la saison des pluies.
La seconde correspond à l’hiver, la saison froide. La dernière à la saison
sèche, c’est naturellement la plus redoutée parce qu’elle correspond à la
saison des «vaches maigres», de la
disette et de la tristesse.
Le
passage de Likhriiv à Shta s’annonce par Elawa qui correspond à une sorte d’automne dans le désert. Le vent
sec et chaud assèche les marigots et fait jaunir l’herbe. Conséquences heureuses :
reflux des moustiques, atténuation des fortes chaleurs par la douceur des
nuits, retour aussi «au calme» parce
que la période ne sied pas aux grands déplacements chez le monde nomade. Elle correspond
plutôt à une saison de semi-sédentarité dont l’homme profite pour manger de la
bonne viande, boire du bon lait et se reposer le temps d’accueillir le froid souvent
insupportable pour lui.
Plus
triste et moins inspirante est la transition entre Shta et Eçayf, le Tiviski local. Nacy Abeiderrahmane, la
créatrice de la première industrie de lait chez nous était (très) bien inspirée
d’appeler comme cela son entreprise. Une manière d’entretenir un patrimoine qui
disparait. Qui a aujourd’hui besoin de savoir dans quelle saison nous baignons ?
C’est
justement dans le souci de rappeler la conception traditionnelle des Bidhâne
que je vous en parle.
Au
début était le calendrier berbère qui a fini par se confondre avec le
calendrier julien. Nos ancêtres avaient une année de 12 mois, de 365 jours au
total répartis comme suit : Ianuaris (Yunaayir) avec ses 31 jours,
Februarius (Vabrayir) avec 29 jours, Martius (Maaris) avec 31 jours, Aprilis
(Ibriil) avec 30 jour, Maïus (Maayo) avec 31 jours, Iunius (Yuuniya) avec 30
jours, Quintilis (Yuuliya) avec 31 jours, Sextilis (Ghisht) avec 30 jours,
September (Shutambar) avec 31 jours, October (Aktawbar) avec 30 jours, November
(Nuwamber) avec 31 jours et December (Dujambar) avec 30 jours. Le calendrier
qualifié ici de «shamsi» (solaire) et
qui n’est qu’une survivance d’un passé lointain.
L’adoption
du calendrier musulman (ou hégirien, de l’Hégire) n’a pas changé la profonde
perception du temps chez nous. Pour tout ce qui touche aux changements naturels
de notre environnement, nous avons continué à user du calendrier julien. Pour avoir
aujourd’hui la date dans ce calendrier, il suffit de retrancher 13 jours au
calendrier usuel, celui que nous avons adopté avec la colonisation
probablement. C’est ainsi que nous sommes aujourd’hui le 7 septembre 2013 (2963
dans le calendrier berbère).
Or
Elawa commence le 3 septembre. Normalement,
nous devons déjà sentir des rafales de «Yajuura»,
ce vent chaud qui rappelle quelque peu la chaleur des harmattans tout en
restant d’une certaine douceur. Les pluies devaient s’arrêter, avec cependant
quelques trombes brusques et éparses. Cette transition climatique dure 40 jours
selon l’acception des Bidhâne. C’est vers la fin de ces quarante jours, que les
campements se rapprochent les uns des autres, que les wangalas (festins en communauté et avec chacun son tour) ont lieu,
c’est la période des grands méchouis, des grandes amours… sans doute la période
la plus heureuse de l’année.
Erebâne
Wul Amar Wul Maham, l’un des Génies de la poésie locale chantait cette période
de l’année en ces termes :
«kelhamd illi manzal la’laab
dahru
vaat u gafaat is haab
likhriiv
u taavi ‘aad ish haab
il
harr u varqet yaajoura
u
vraq baass ilkhayl illarkaab
ilmin
ha kaanit ma’dhuura
u
khlat bard ellayl u lemdhal
waryaah
issehwa mahruura
u
khlat zaad igiliiw u dhal
ilkhayma hiya waamur»
(Les
grandes dunes ne sont plus occupées,
ce
temps-là est passé, bonheur !
le
temps des pluies hivernales s’éloigne,
les
fortes chaleurs/ont baissé, bonheur !
comme
le souffle de l’harmattan
qui
empêchait de monter les chevaux,
-prétexte
pour les mauvais cavaliers, ha !
et
se sont accordées la fraîcheur de nuit et la fraîcheur de jour,/
le
vent du nord ouest a soufflé,
s’est fondu dans l’air encore humide des
marigots asséchés,
dans
l’ombre des tentes et celle des acacias)
NB : Traduit avec
le concours de Mick Gewinner
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire