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vendredi 20 septembre 2013

Elawa où es-tu ?

Les Bidhânes considèrent qu’il existe cinq saisons. Trois «majeures» qui sont «Likhriiv», «Shta» et «Eçayf». La première correspond à l’hivernage, la saison des pluies. La seconde correspond à l’hiver, la saison froide. La dernière à la saison sèche, c’est naturellement la plus redoutée parce qu’elle correspond à la saison des «vaches maigres», de la disette et de la tristesse.
Le passage de Likhriiv à Shta s’annonce par Elawa qui correspond à une sorte d’automne dans le désert. Le vent sec et chaud assèche les marigots et fait jaunir l’herbe. Conséquences heureuses : reflux des moustiques, atténuation des fortes chaleurs par la douceur des nuits, retour aussi «au calme» parce que la période ne sied pas aux grands déplacements chez le monde nomade. Elle correspond plutôt à une saison de semi-sédentarité dont l’homme profite pour manger de la bonne viande, boire du bon lait et se reposer le temps d’accueillir le froid souvent insupportable pour lui.
Plus triste et moins inspirante est la transition entre Shta et Eçayf, le Tiviski local. Nacy Abeiderrahmane, la créatrice de la première industrie de lait chez nous était (très) bien inspirée d’appeler comme cela son entreprise. Une manière d’entretenir un patrimoine qui disparait. Qui a aujourd’hui besoin de savoir dans quelle saison nous baignons ?
C’est justement dans le souci de rappeler la conception traditionnelle des Bidhâne que je vous en parle.
Au début était le calendrier berbère qui a fini par se confondre avec le calendrier julien. Nos ancêtres avaient une année de 12 mois, de 365 jours au total répartis comme suit : Ianuaris (Yunaayir) avec ses 31 jours, Februarius (Vabrayir) avec 29 jours, Martius (Maaris) avec 31 jours, Aprilis (Ibriil) avec 30 jour, Maïus (Maayo) avec 31 jours, Iunius (Yuuniya) avec 30 jours, Quintilis (Yuuliya) avec 31 jours, Sextilis (Ghisht) avec 30 jours, September (Shutambar) avec 31 jours, October (Aktawbar) avec 30 jours, November (Nuwamber) avec 31 jours et December (Dujambar) avec 30 jours. Le calendrier qualifié ici de «shamsi» (solaire) et qui n’est qu’une survivance d’un passé lointain.
L’adoption du calendrier musulman (ou hégirien, de l’Hégire) n’a pas changé la profonde perception du temps chez nous. Pour tout ce qui touche aux changements naturels de notre environnement, nous avons continué à user du calendrier julien. Pour avoir aujourd’hui la date dans ce calendrier, il suffit de retrancher 13 jours au calendrier usuel, celui que nous avons adopté avec la colonisation probablement. C’est ainsi que nous sommes aujourd’hui le 7 septembre 2013 (2963 dans le calendrier berbère).
Or Elawa commence le 3 septembre. Normalement, nous devons déjà sentir des rafales de «Yajuura», ce vent chaud qui rappelle quelque peu la chaleur des harmattans tout en restant d’une certaine douceur. Les pluies devaient s’arrêter, avec cependant quelques trombes brusques et éparses. Cette transition climatique dure 40 jours selon l’acception des Bidhâne. C’est vers la fin de ces quarante jours, que les campements se rapprochent les uns des autres, que les wangalas (festins en communauté et avec chacun son tour) ont lieu, c’est la période des grands méchouis, des grandes amours… sans doute la période la plus heureuse de l’année.
Erebâne Wul Amar Wul Maham, l’un des Génies de la poésie locale chantait cette période de l’année en ces termes :
«kelhamd illi manzal la’laab
dahru vaat u gafaat is haab
likhriiv u taavi ‘aad ish haab
il harr u varqet yaajoura
u vraq baass ilkhayl illarkaab
ilmin ha kaanit ma’dhuura
u khlat bard ellayl u lemdhal
waryaah issehwa mahruura
u khlat zaad igiliiw u dhal
ilkhayma hiya waamur»
(Les grandes dunes ne sont plus occupées,
ce temps-là est passé, bonheur !
le temps des pluies hivernales s’éloigne,
les fortes chaleurs/ont baissé, bonheur !
comme le souffle de l’harmattan
qui empêchait de monter les chevaux,
-prétexte pour les mauvais cavaliers, ha !
et se sont accordées la fraîcheur de nuit et la fraîcheur de jour,/
le vent du nord ouest a soufflé,
 s’est fondu dans l’air encore humide des marigots asséchés,
dans l’ombre des tentes et celle des acacias)

NB : Traduit avec le concours de Mick Gewinner 

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