Le 10 juillet 1978, l’Armée renversait le gouvernement
civil en Mauritanie. Depuis, nous avons eu une dizaine de coups d’Etat ou de
tentatives avérées. Il y a eu aussi de «fausses
alertes» qui ont quand même été à l’origine d’épurations importantes :
le faux coup d’Etat de 90 a été à l’origine de la chasse à la communauté
négro-africaine occasionnant des morts. Quelques années avant, les Baathistes
furent renvoyés des corps constitués et certains emprisonnés. Plus tard ce sont
les Nassériens qui furent accusés de vouloir prendre le pouvoir à travers l’infiltration
de l’Armée. Les Islamistes viendront après pour être accusés de mettre sur
pieds des groupes armés pour arriver au pouvoir…
Le «complot
permanent» fera partie des éléments de gouvernance de l’époque de Ould
Taya. La production de la peur fut à la base de sa méthode de gouvernement. Parce
qu’il a compris, très tôt, que le danger, le vrai danger pour son pouvoir ne
pouvait venir que de l’Armée, et non des tribulations des politiques. Et pour
éviter toute surprise, il avait construit une stratégie à double supports :
entretenir un climat délétère qui rendait difficile, voire impossible, toute
conspiration, et affaiblir l’Armée en la dépossédant de ses moyens et de ses
facultés. Ce qui n’a pas empêché le 8 juin, encore moins le 3 août…
Cette politique de sape volontaire aboutit à la
clochardisation du commandement et à une accentuation de la misère de la
troupe. Ne manquait plus que la volonté de lui imposer de faire partie du
dispositif du PRDS qui régnait en maître. Nous assisterons, à partir du milieu
des années au «vote militaire contrôlé».
Les Mauritaniens se rendent compte de la
catastrophe quand le pays devient la cible des groupes terroristes : le 4
juin 2005, le pouvoir fait appel aux groupes privés pour mobiliser une force de
frappe capable de poursuivre l’ennemi. Tout, absolument tout – voitures,
équipements, gasoil, armes, munitions et nourriture – est offert par des hommes
d’affaires dans un élan de solidarité obligatoire.
Et quand intervient le coup d’Etat du 3 août
2005, la question de savoir «quel rôle
pour l’Armée ?» est posée avec force. Mais personne ne tente d’y
répondre, les politiques étant aveuglés par la perspective électorale. Parmi eux,
ceux qui pensent que l’Armée doit être tenue à l’écart en attendant qu’ils
accèdent au pouvoir après la présidentielle. D’autres voudraient bien que la
situation reste telle qu’elle est pour pouvoir ensuite manigancer renversements
et instabilité. Tous ne croient pas assez aux vertus de la démocratie pour se
permettre de se mettre sur le dos le vrai facteur de l’accession et du maintien
au pouvoir : l’Armée. Le plus en vue d’entre eux déclara même que «si, demain, l’armée venait à me soutenir, je
n’y verrai aucun inconvénient», ouvrant ainsi la voie à l’interférence des
militaires qui avaient pourtant promis une neutralité totale. Cette attitude
trahissait cette profonde conviction que l’élite garde au fonds d’elle-même :
pas de pouvoir sans l’appui de l’Armée. Ce ne sont pas les déclarations
politiques faites çà et là qui vont convaincre du contraire. D’ailleurs ceux
qui les font sont souvent les mêmes qui appellent, en désespoir de cause, à un
soulèvement de l’Armée. Parfois franchement, très souvent par allusion…
Sous les latitudes auxquelles nous appartenons,
nous avons vu comment les Armées ont été déterminantes dans les grands
bouleversements de leurs sociétés. En Tunisie, en Egypte et même au Sénégal où
c’est bien l’attitude de l’Armée qui a interdit au Président Wade de tenter de
rester à tout prix. Quand l’Armée ne suit pas, on est obligé dans nos pays de
se rétracter. Et quand elle suit, comme ce fut le cas en Tunisie ou en Egypte,
le pouvoir abdique carrément quand elle le décide. Par contre, dans des pays
comme la Lybie ou la Syrie où elle a été incapable de trancher, on va à la
guerre civile.
Dans nos sociétés où les partis politiques sont
incapables de fédérer et de faire rêver, l’élément stabilisateur est bien l’Armée.
D’autant plus que l’émiettement qui caractérise la société à des heures
pareilles, fait qu’elle paraît comme le creuset de l’a Nation, l’ultime
creuset.
C’est pourquoi, il faut lui donner les moyens
de parvenir à l’Excellence. Son encadrement, son commandement et ses hommes de
troupes doivent être triés parmi les meilleurs. Pour ce faire des critères sévères
doivent être définis pour l’accès aux grades supérieurs et même pour le
recrutement.
Il est temps aussi d’accélérer les mesures
prises pour en faire une armée de développement. Si aujourd’hui, le Génie
militaire se voit confier la construction d’une route ici, l’alimentation en
eau d’un village là, il faut voir son action dans un cadre plus global et y
aller au plus vite. Intensifier aussi le rapport utile à la population :
cultiver, soigner, enseigner, aider… partout où il le faut.
C’est bien par la professionnalisation et par l’implication
dans la construction du pays qu’on pourra lui assurer les compétences qui
doivent être les siennes pour préserver l’unité, l’intégrité et la stabilité du
pays.
C’est aussi en s’abstenant de toujours chercher
à la déstabiliser par les propos inconsidérés et inutiles.
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