C’est
l’histoire de mon ami Mohamed Mahmoud, un personnage fait politesse, humilité
et humanisme. Avec lui, la confusion des numéros prend une ampleur
particulière. Il est toujours dérangé par ceux qui appellent d’autres. Et il a
fini par s’habituer au public de quatre personnes, chacune prenant un moment de
la journée plus que les autres.
Dès
le petit matin, il est réveillé par ceux qui veulent parler à «Hasni». Il finira par savoir qu’il s’agit
d’un chauffeur de taxi qui prend ses départs de la ville de Kiffa. Il y a ceux
qui lui demandent «pourquoi le retard ?»,
ceux qui se rappellent à son bon souvenir pour «ne pas être oubliés», ceux qui attendent à tel ou tel endroit… et
toujours sans attendre la réponse, ils raccrochent parfois après avoir exprimé
clairement leur état d’âme. Le bal des «clients
perdus de Hasni» dure jusqu’à 10 heures.
Souvent
à partir de ce moment, parfois un peu plus tard, ce sont ceux qui cherchent
Hamoud, un ancien administrateur, notable de son état et très sollicité par
ceux qui sont liés à lui. Et toujours sans attendre de savoir qu’ils font
erreur, ils se lancent dans des explications et ne laissent pas à Mohamed
Mahmoud la possibilité de placer un mot. On imagine l’énervement quand ils se
rendent compte de la méprise après avoir exposé leurs problèmes. «Yakhouya maa tgoulli ‘annu maahu nta…»
Justement «huwa aana ba’d yaghayr maani
huwa»… ça se termine souvent par des remontrances mal formulées.
A
partir de 15 heures, Mohamed Mahmoud est pris pour «Docteur Hamidoun». C’est le ballet des patients qui veulent prendre
rendez-vous, changer une ordonnance, avoir un conseil, savoir comment le
trouver «immédiatement»… La méprise
dure jusque dans les 23 heures.
Là
commence le ballet de «Melika». Des appels
insistants même après avoir eu Mohamed Mahmoud et compris qu’il n’avait rien de
Melika. Parfois l’abord est familier, parfois non. Mais toujours pressé de
déverser ce qu’on a à dire. Sans attendre donc de savoir si on a la bonne
personne…
Mon
ami Mohamed Mahmoud prend la chose philosophiquement. «Le matin, je suis le chauffeur de taxi, le midi, le notable, l’après-midi
le docteur et le soir la fille. Je me suis habitué à cela et la méprise ne me
dérange plus».
Moi
je vous le raconte pour partager avec vous quelques-uns des multiples inconvénients
de cet outil qu’est le téléphone dans une société comme la nôtre où l’excuse n’existe
pas, où l’autre n’a pas le droit de dormir ou de converser tranquillement sans
être dérangé par quelqu’un qui, au mieux, va dire : «ghalat». Accompagnant souvent le moment d’un rire qui vous laisse l’impression
qu’un inconnu vient de se payer votre tête.
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