En Egypte et en Tunisie, les choses se corsent.
Dans les deux pays où ce que l’on appelle pompeusement «le printemps arabe» a
éclos, la conséquence immédiate a été le départ des régimes corrompus, dictatoriaux
et conservateurs d’avant. Puis l’arrivée, par voie des urnes, des groupes
islamistes dits «modérés», parce que moins radicaux vis-à-vis de l’Occident et
plus ouverts aux règles de la démocratie. L’euphorie du changement et la
libération des opinions publiques ont fait oublier l’essentiel : la
révolution restait à faire.
Chacun des deux régimes issus des
bouleversements de 2011, doit aujourd’hui faire face à une sorte de retour de
manivelle qui est en fait l’expression d’un refus de retour en arrière et d’une
soif d’aller à l’avant pour réaliser une partie des promesses des soulèvements
populaires ayant abouti au départ des chefs des appareils qui avaient
violemment dirigé les deux pays.
En Egypte, l’accointance entre Frères Musulmans
et Salafistes donne au nouveau pouvoir un aspect d’« obscurantisme
révolutionnaire» qui en fait, non pas une promesse d’avenir, mais un rebus du
passé. Avec notamment la tendance à vouloir imposer l’islamisation de la rue,
des mœurs et même des fondements de la République. C’est ce qui explique le
retrait de certaines composantes de l’espace politique et social de l’Assemblée
constituante. D’où la précipitation du Président Mohamed Morsi à vouloir faire
passer un texte au référendum et au plus vite. Alors que le pays est encore en
ébullition à la suite de sa décision de concentrer tous les pouvoirs entre ses
mains. S’il arrivait à faire main basse sur l’Egypte, que feraient les Coptes ?
et les libéraux ? et les Jihadistes du Sinaï ?
En Tunisie, la situation est encore plus
incertaine. Ici, la paix n’est pas signée entre les Islamistes de Nahda et les
Salafistes d’une rare violence. Les évènements de Siliana sont venus confirmer
la collision entre revendications sociales légitimes, ambitions politiques de
certaines franges des partis politiques traditionnels et la volonté des
Salafistes de s’affirmer sur la scène. Il y a lieu de rappeler que la première
fois qu’on a parlé de cette ville – et de cette région – c’est quand on a vu
les Salafistes chercher à y créer un Emirat islamique. Aujourd’hui ce sont tous
les pans de la société qui se révoltent contre le pouvoir central qui est
obligé de reculer. On n’en est pas à une émeute près depuis l’avènement du
nouveau pouvoir.
C’est qu’en Egypte, comme en Tunisie, les
Islamistes se sont confrontés aux réalités du pouvoir, à la gestion quotidienne
de la vie publique, à la soif d’avoir tout et tout de suite… le manque de
maturité ou tout simplement le calcul – si ce n’est une réalité qui se révèle
au grand jour -, ont fait que ce pouvoir qu’on disait «révolutionnaire» et dont
on attendait de nettes ruptures avec le passé et des options claires pour la
Modernité, ce pouvoir s’avère une rumination de ce que les peuples arabes ont
vécu jusqu’à présent. Le risque de voir simplement la révolution se traduire
par un changement d’oppresseurs est grand. Dommage.
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