A
partir de Kiffa, la route est éprouvante. En plus de trois ans de travaux, l’ATTM
n’a réalisé que 40 kilomètres de la route qui relie Kiffa à Tintane. 40 km sur
140, même pas le tiers. On dit que l’entreprise, filiale de la SNIM, a eu
tellement de marchés ces dernières années qu’elle a été incapable d’honorer ses
engagements. Elle a été alors obligée de procéder à une priorisation de ses
chantiers. Elle aurait placé celui de la route Kiffa-Tintane en dernier lieu. Difficile
à croire quand on sait que cette route relie le pays profond à sa capitale. Qu’elle
est empruntée quotidiennement par une partie des camions ravitaillant le Mali
frère. Que c’est de ces régions que la population est alimentée en viande et,
en partie, en céréales.
Alors
nous est restée la deuxième hypothèse. Quand Yahya Ould Hademine a été nommé ministre
et qu’il a été remplacé par le jeune Mohamed Ould Bilal, celui-ci aurait changé
toutes les directions, y compris la technique. Il aurait cherché à installer
des hommes nouveaux, soit parce qu’il cherchait en eux un système à lui, soit
parce qu’il estimait que tout nouveau directeur devait changer pour dire à ses
collaborateurs qu’ils pouvaient être changés. Non contents des choix faits, il
y a eu une nonchalance au sein du personnel, laquelle a sérieusement compromis
l’ordre et le rythme de travail.
En
tout état de cause, il y a quelques mois, un nouveau matériel a été acquis par
l’entreprise grâce notamment à l’intervention de la Présidence. Il y a quelques
jours, le Président Ould Abdel Aziz ordonnait, de son lieu de convalescence
près de Paris, au ministre de donner un coup d’accélérateur aux travaux sur
cette route. Bouchées doubles et visites de terrain. Les ouvrages sont en voie
de finition sur toute la route et les travaux se font de façon plus visible
désormais.
Mais
en attendant, il vous faut trois à quatre heures pour passer les 140 kilomètres
entre Kiffa et Tintane. At quand vous arrivez à Tintane vous êtes si mal en
point qu’il vous faut une heure de repos pour reprendre.
Tintane,
toujours un projet (ou en projet). Au fond de la cuvette, l’eau est toujours
là, stagnante, emplissant les rues, mais aussi certaines habitations, créant
une nouvelle flore et certainement une faune d’insectes mutants. Ce qui n’empêche
pas une partie de la population de revenir habiter dans les maisons dégagées. La
cuvette revit sans que personne ne pense à cultiver ses terres fertiles. La paresse
et le manque d’encouragements.
Sur
la grande dune s’étendent deux routes en passe d’être goudronnées. On voit
pousser quelques belles demeures. Ici celle du député islamiste qui fait
désormais concurrence à l’ancienne demeure – un château en fait – de l’ex-président
de l’Assemblée nationale du temps de Ould Taya, l’ancien colonel Cheikh Sid’Ahmed
Ould Baba. Le modèle PRDSien s’impose dans ces contrées. Chaque acteur
politique – du plus conservateur au plus révolutionnaire – se croit obligé de
construire une maison imposante d’abord par ses dimensions, son style, ensuite
par ses couleurs et son emplacement. Le souci est d’être le plus visible
possible, le plus détonant par rapport à l’environnement – là ce n’est pas
difficile au milieu de constructions plutôt sommaires, reflétant la pauvreté
des propriétaires, sans prétention pour dire l’humilité ambiante -, et le plus
imposant parce que cela participe de la notoriété.
J’ai toujours cru que la révolution, le changement
pour être plus précis et moins utopique, consistait à avoir une classe
politique novatrice par la rupture avec les méthodes du PRDS, plus proche du
peuple, incarnant ses états et évitant de le provoquer par l’affichage de ses
richesses. Ce n’est pas visiblement la classe politique d'aujourd'hui qui va réconcilier
Morale et Politique…
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