Je vous disais récemment que quand
en 1992 (octobre), la BCM avait décidé la dévaluation de notre monnaie nationale
(47% d’un coup), ce fut bien le premier responsable de l’institution d’émission
qui proposa la parade : permettre aux hommes d’affaires et banquiers de la
place de rassembler leurs fonds avant de procéder au transfert de ces fonds au
taux d’avant. Un tour de main, un jeu d’écritures pour procéder à la première
grande arnaque contre l’Etat mauritanien.
A la base des opérations de sape de
l’économie on retrouvera toujours de hauts fonctionnaires peu regardants.
Favoritisme, clientélisme, corruption à ciel ouvert, gabegie… le règne de la
médiocrité qui a détruit économiquement et moralement le pays. Très vite, les hauts
fonctionnaires se sont transformés en entrepreneurs devenant les premiers
concurrents du capital privé, et donc ses premiers ennemis. C’est ici qu’il
faut trouver la source de l’échec de la politique de libéralisation entreprise
depuis le milieu des années 80. Par la faute de hauts fonctionnaires corrompus
et d’hommes d’affaires avides, elle s’est traduite par une privatisation des
fruits du développement et une prise en charge par la communauté des passifs
énormes.
Comment refonder les rapports et
réhabiliter les vocations ?
Les hommes d’affaires joueront le
rôle de moteur de l’économie nationale, accumulateurs de richesses par le
travail, de producteurs… le jour où ils cesseront d’être associés au pouvoir et
à la politique. Depuis le PRDS et l’ère Taya, ce sont les hommes d’affaires qui
font et défont les gouvernements, qui congédient ou qui nomment, qui assurent à
«leurs» serviteurs un happy end en leur offrant demeures luxueuses, comptes
fournis et même boulots lucratifs. Ministres, ambassadeurs, directeurs… tous y
passaient.
Il y a quelques années, le chef du
patronat d’alors, Mohamed Ould Bouamatou avait convoqué un congrès sous le
thème «entreprise citoyenne», une prise de conscience rapidement avortée par
les politiques et les administratifs. Les hommes d’affaires ont compris, l’espace
d’une manifestation, qu’il valait mieux pour eux promouvoir la culture de
l’entrepreneur citoyen, celui qui paye régulièrement ses impôts, qui ne
complote pas contre la richesse nationale avec les acteurs des marchés
étrangers, qui ne compromet pas volontairement les politiques visant à
améliorer les conditions de vie des populations, qui partage avec la communauté
par des actions de bienfaisance, qui n’organise pas la fuite systématique de
capitaux vers l’extérieur, qui s’abstient de participer à l’entretien de la
corruption ambiante…, ne serait-ce que pour résister à l’avidité des hauts
fonctionnaires devenus «entrepreneurs» (l’entreprenariat politique rapportant
plus et demandant moins d’investissements).
A un moment donné, on a mis en
marche la subordination de l’Etat au bon vouloir du capital privé. Cela s’est
traduit par les ministres de l’homme d’affaires tel, les directeurs du groupe
tel… une collision dont nous continuerons un temps encore à payer le prix, soit
parce qu’il est difficile de s’en défaire, soit parce que d’énormes efforts
sont fournis pour la restaurer.
A l’origine de tout cela : le trafic
d’influence. C’est ce qui a permis justement l’appropriation des biens publics
par des privés peu méritants. Cela s’est traduit par un recul de l’autorité de
l’Etat. Mais aussi par le règne d’une médiocratie dont la présence se justifiait
par la seule absence de règles équitables. Le moment est venu de réhabiliter
l’Appareil de l’Etat et ceux qui l’incarnent. Par la revalorisation des
fonctions et la restauration du mérite. Il n’y a pas d’autre choix que
celui-là.
Malgré
tout, il y a espoir de voir l’effort «d’émancipation de l’Etat» aboutir à une
réelle libération de ces contingences : si en 2010 encore, l’Etat avait
besoin de mobiliser les ressources privées pour importer les denrées de
première nécessité à des périodes de grande demande (Ramadan, sécheresse…), ce
n’est plus le cas avec plus de 700 millions dollars dans les réserves extérieures ;
s’il avait besoin de ces ressources pour renflouer sa trésorerie ou pour
assurer sa sécurité (comme ce fut le cas au lendemain de l’attaque de
Lemghayti), aujourd’hui l’Etat se prend en charge et peut répondre aux besoins
élémentaires de son fonctionnement. C’est tant mieux. Mais beaucoup reste à
faire.
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