Je ne sais pas qui a fait circuler mon nom parmi les journalistes qui
doivent interviewer le Président de la République le 5 août prochain à Atar. Avant
même que la liste officielle ne soit fixée. Toujours est-il que je suis, jour
et nuit, approché, contacté par des gens, souvent inconnus tout en prétendant
être «très proches de moi». Sans pouvoir déterminer le degré de cette
proximité, je les écoute poliment quand même.
Cela commence toujours par : «Nous avons un grand problème derrière
lequel nous courons depuis très longtemps. Nous avons tapé à toutes les portes
sans jamais avoir de réponse. Nous avons entendu que tu fais partie de ceux qui
vont interroger le Président et nous voudrions que ce problème lui soit posé…»
Cela finit, sans attendre de réponse de ma part, par un résumé, souvent tendancieux,
dudit problème.
Je n’ai plus aucun moment. Mon téléphone décharge deux fois par jour à
cause des appels. J’en déduis deux choses.
La première est que nous sommes dans une situation où personne ne semble
croire aux procédures normales, à la hiérarchie administrative, à la
possibilité pour lui de régler ses problèmes au niveau qu’il faut… Une affaire
de gazra concerne l’autorité administrative du département, à la rigueur l’ADU
où le ministère de l’urbanisme. Si les citoyens se croient obligés de remonter
jusqu’au Président pour être entendus, c’est qu’il y a problème. Que le
Président lui-même doit envisager d’identifier. Toutes ces manifestations
devant le portail de la Présidence, tous ces appels que nous recevons – mes confrères
sont soumis à la même pression -, tout cela doit signifier que le chef de
service concerné, le directeur concerné, le secrétaire général concerné, le
conseiller ou le chargé de mission concernés, le ministre concerné, que tous
ont failli à leur mission d’être à l’écoute des citoyens. Cette situation veut
dire soit que les autorités concernées n’écoutent pas les citoyens, soit qu’elles
sont incapables de trouver les solutions et/ou de convaincre ce citoyen qu’il n’est
pas dans son droit. Dans tous les cas, c’est un dysfonctionnement qui dure
depuis trop longtemps et qui fait croire que tout est centré entre les mains du
Président. Cela arrange bien sûr les responsables défaillants, mais cela charge
le Président qui doit s’occuper d’autres choses.
La deuxième déduction est qu’on attend trop des journalistes. Chacun de
nous remplit ce qu’il croit être sa mission comme il peut. Quand on est en face
du Président pour le faire parler, c’est surtout sur des sujets de politique,
de gestion économique, de réalités sociales globales, de diplomatie, de
sécurité, de méthode de gouvernance… que nous allons discuter. Pas des
problèmes particuliers. On peut toujours au détour d’une problématique sur la
restructuration de la Fonction Publique, évoquer la question du Personnel non
permanent (PNP), ou quand on parle du schéma directeur de l’urbanisme rappeler
la question des Blocs, celle de l’ilot V… C’est selon l’opportunité du sujet et
l’occasion qui s’offre.
Nous sommes dans un pays où la résistance développée contre l’institutionnalisation
des rapports est très forte et très soutenue. Du simple citoyen au cadre le
mieux formé, l’occupation première est de contourner les voix normales. Il faut
dire que la mauvaise gouvernance administrative y aide beaucoup. Et dire aussi
que, pour y mettre fin, il faut un électrochoc qui prenne la forme d’une
rupture brutale avec l’indulgence et l’absence d’obligation de résultats pour
les responsables.
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