C’est au cours de la belle émission culturelle présentée par Cheikh
Ould Sidi Abdallah à TVM, que j’ai entendu le poète Ahmedou Ould Abdel Kader
dire qu’on ne peut pas appeler «folklore» la culture Bidhâne, produite dans l’espace
saharien qui nous concerne. Le «poète du peuple» - c’est comme ça qu’on
appelait le plus populaire d’entre les poètes de cet espace, pour sn engagement
et pour sa langue – disait que les productions de chez nous ont gardé le nom de
leurs auteurs, et ne sont donc pas un patrimoine anonyme qui appartient à tous,
perdant du coup cette valeur de création individuelle.
On oppose ici «le génie du peuple», anonyme, commun, populaire… à
celui de la création individuelle fruit du génie individuel, marque déposée d’une
compétence personnelle et preuve d’un état individuel qui aspire à s’élever au
niveau de l’expression de l’humaine condition.
«Le folklore (de l'anglais folk, peuple et lore, savoir) est
l'ensemble des productions collectives émanant du peuple et se transmettant
d'une génération à l'autre par voie orale (contes, récits, chants, musiques, danses et croyances) ou par l'exemple (rites, savoir-faire).» (Wikipédia)
Dans l’espace Bidhâne, il est mal vu de réciter une production
poétique sans en connaitre l’auteur. On vous dira que tel récite «une poésie
bâtarde» (qui n’a pas de père). Et c’est vraiment dans la poésie dite en
Hassaniya que les poètes de cet espace ont le plus exprimé leur génie. Et non
dans le classique (Arabe). Même les plus grands parmi eux se sont surpassés en
dialectal, tout en restant en-deçà en classique. Les plus doués ont créé une
poésie qui allie dialecte et langue classique. Appelée «Zrayga» (mélange
hybride), cette poésie a marqué un petit espace au sud-ouest de la Mauritanie,
un coin du Trab el Bidhâne…
Il suffit d’écouter les belles productions d’antan, ou celles du
siècle dernier. Elles incarnent mieux et plus ce que fut cette société, ses
peines, ses joies, ses espérances, son histoire…
Une culture savante qui, en plus d’avoir la popularité d’un
folklore, a mis l’écrit à contribution. C’est probablement la seule société
nomade où l’écrit a cette forte présence. C’est aussi probablement la seule qui
octroie un statut particulier aux praticiens du Verbe et de l’art en général. Pas
tous les arts. En fait, c’est seulement la musique et la poésie qui sont
pratiquées comme art. D’ailleurs, les deux expressions restent intimement
liées.
Un concert de musique – on devrait dire «une séance de musique» -
est un moment de création poétique. Un moment culturel et social par
excellence. Les barrières générationnelles s’estompent, les réserves
disparaissent, les langues se délient…
Aujourd’hui, nous n’avons plus le temps de tout ça. Jusqu’à
récemment cependant tout se passait autour d’un hawl. La grande force de nos
musiciens modernes, c’est d’avoir «démocratisé» leur art, le faisant passer d’une
affaire d’élite à un art pour tous.
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