Du
passé nous ne tenons pas compte. Nous refusons souvent de faire une évaluation
rigoureuse du présent. Quant au futur, nous préférons nous en détourner…
Ne
jamais tirer de leçons, ne jamais se remettre en cause, ne jamais regarder
devant soi. Tels sont nos préoccupations essentielles.
Le stress collectif nous
vient de la peur de nous évaluer. Quand on s’évalue correctement, on avance
assurément parce qu’on anticipe et on imagine les solutions d’avenir. On
préfère se laisser tétaniser par les peurs plutôt que d’agir et même de
réfléchir… en attendant…
Le
3 août 2005, le pays sortait difficilement de la torpeur née d’un exercice
calamiteux de la chose publique. Nous avons subi un arbitraire excessif, enduré
le viol moral et accepté la négation du temps qui est le nôtre. En quelques
années, nous avons expérimenté l’extravagance comme qualité première, comme
méthode de gouvernance. De ces années, nous avons gagné le recul de l’Etat-Nation. En
ces années, nous avons perdu le Nord… et le Sud. De ces années, il ne nous est
rien resté en commun, pas même les richesses…
De
jeunes officiers ont imposé le changement mais sans proposer la rupture. Sans
doute que le poids de leurs ainés, embarqués malgré eux, était trop pesant.
Transition. Gouvernement civil. Puis retour à la case départ. Le 6 août 2008,
un deuxième coup d’Etat nous proposait de revenir sur la voie du changement.
Qu’avons-nous
fait pour assurer un apaisement général des relations et une évolution mûrie de
la démocratie ? Est-ce que nous nous sommes souciés de nous assurer que ce
changement par la force sera le dernier ? Est-ce que nous avons essayé
d’imaginer une gouvernance neuve et nouvelle ?
Notre
élite n’a pas compris que quand on renonce à se poser des questions pour
pouvoir aller de l’avant, on finit par se retrouver «cadavré». Elle n’a fait
que renoncer depuis le début…
Encore
une fois, la Mauritanie se trouve à un tournant. Tous les ingrédients sont là
pour permettre les refondations nécessaires à la naissance d’un contrat social
à même d’assurer l’adhésion de toutes les couches de la société.
Dans
les formes, une Mauritanie nouvelle est en chantier. Avec un drapeau nouveau,
un hymne nouveau et même une monnaie nouvelle. Avec ses routes, ses réseaux
électriques, ses hôpitaux, ses réseaux d’adduction d’eau, son espace
d’expression, sa jeunesse assoiffée de tout…, la Mauritanie d’aujourd’hui est
une promesse d’avenir…
2018
est l’année des grands rendez-vous.
Participer
sans conditions aux élections est le premier impératif (toute demande de
dialogue peut remettre en cause le processus qui doit nécessairement suivre son
cours actuel).
La
qualité des candidatures est aussi un signe de renouveau. La Mauritanie
d’aujourd’hui ne manque absolument pas de cadres de tous niveaux et de toutes
origines.
Le
recentrage du discours et des aspirations. Il est certes exigible de continuer
à vilipender les pratiques liées à l’esclavage, mais il est dangereux de ne pas
reconnaitre les avancées sérieuses qui font que la question n’est plus posée
avec autant d’acuité que par le passé. La question de l’éducation, de la
justice, de la santé publique méritent un focus aujourd’hui.
Le
renouveau passe aussi par la revalorisation du travail et de la production en
général. Avons-nous conscience que nous sommes une société où «travailler est
mal vu» ? Quand vous regardez des milliers de jeunes manifester contre
Ould M’kheytir, n’oubliez pas que pas parmi eux ne produit une tomate, même
pas un grain de riz.
Un
discours moderne qui cultive les valeurs d’égalité, d’équité, de solidarité, de
convergence… l’idéal de progrès, de savoir, de s’ouvrir sur le monde, de
s’approprier la technologie, de partager les opportunités avec les voisins…
Les
fondateurs de l’Etat moderne ont, malgré leur nombre restreint, défié les
forces centrifuges qui n’ont pas cru à la possibilité d’une Mauritanie
indépendante. Ils ont fait face aux revendications des Etats voisins qui
croyaient à la possibilité de dépecer l’entité en construction.
La
«Cendrillon de l’Afrique occidentale française (AOF)» a fini par être «une
terre des hommes». Avec ses vocations premières (terre de convergence,
tradition pacifique, ancrage et modernité) et ses qualités originelles
(humilité, dignité, résistance).
Chaque
fois qu’elle a dévié oubliant ces vocations et ces qualités, la Mauritanie a
chaviré.
Le
discours de renouveau passe par la restauration de ces vocations et de ces
qualités pour les remettre au cœur de la réflexion et de l’action publiques.
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