L’affaire
de la prison qui a secoué le pays il y a deux semaines, continue de mettre en
lumière ses nombreuses zones d’ombre. Au-delà des dysfonctionnements graves du
système judiciaire et pénitencier à la source de la rébellion, il y a aussi le
déroulé de l’action qui a été plus ou moins occulté, sinon qui n’a pas été
suffisamment explicité.
Nous
avons toujours su que ce ne sont pas les 34 prisonniers salafistes qui sont
entrés en sit-in cette semaine-là. A peine une dizaine dont un seul des quatre
prisonniers dont la peine avait expiré. Mais nous ne savons pas pourquoi la
Garde nationale a décidé ce jour-là de passer à l’action. Qu’est-ce qui a
commencé à déranger dans le mouvement, jusque-là pacifique, de la dizaine de
prisonniers ? et surtout comment les deux Gardes ont-ils été pris en otage
par les prisonniers ?
Si
on n’a pas de réponse à la première question, la deuxième peut trouver réponse
dans la familiarité qui s’est tissée entre prisonniers salafistes et Gardes.
Une convivialité qui prend des aspects nauséabonds quand on sait que les
prisonniers sont avertis de l’imminence des contrôles et de toute mesure exceptionnelle
qui les vise. Les Gardes prennent sur eux de les mettre dans des conditions de
confort maximal, de leur passer des messages, y compris des téléphones. Ils
ferment les yeux sur ce que les parents et amis apportent aux prisonniers. Ils
sont moins exigeants dans le contrôle… Tout ça ne se fait pas gratuitement.
Tout ça ne relève pas du secret : toute la hiérarchie du commandement de
la Garde le sait, les Magistrats et les avocats le savent, les journalistes le
savent… Il y a d’ailleurs eu par le passé plusieurs affaires qui ont mis en
lumière le trafic qui s’organise autour des prisonniers et l’économie qui s’en
nourrit.
Alors,
ces deux Gardes que faisaient-ils au milieu des prisonniers ? Etaient-ils
venus pour les avertir de l’imminence de l’intervention du groupement
spécial ? Ce n’est pas important à savoir peut-être…
Plus
important sans doute de savoir ce qui se passait à l’intérieur de la prison.
Depuis toujours, les prisonniers salafistes ne sont pas d’accord. La plupart
d’entre eux font partie de ceux qui ont choisi le repentir. Mais ayant commis –
ou participé – à des crimes de sang, les Autorités ont évité de les faire
bénéficier d’une liberté anticipée. Ce qui ne les empêche pas de rompre avec
l’esprit du Jihad violent.
Face
au noyau dur, ils entretiennent des relations conflictuelles continuelles. Même
pendant la crise da la prison, ce conflit a été exacerbé par les positions des
uns et des autres. Au point d’en venir à une profonde mésentente qui a failli
dégénérer.
D’abord
autour de la question du sit-in. Les modérés – appelons comme ça – y voyaient
un risque d’affrontement avec les forces de l’ordre. Un affrontement qui
compromettrait leurs bonnes conditions carcérales. Leurs craintes devaient se
confirmer. Au beau milieu de la crise, surgit la deuxième source de
confrontation idéologique : la prise d’otage.
Les
modérés contestent le mauvais traitement auquel pourraient être soumis deux
Gardes qui ont, par le passé, aidé le groupe. Il n’est pas question pour eux de
continuer le bras de fer avec les Autorités. Alors qu’ils arrivaient à un
compromis – il suffit d’une promesse des Autorités concernant la libération de
leurs amis – pour libérer les deux Gardes, que le régisseur est intervenu pour
proposer la mise en scène qui a été finalement adoptée.
L’action
menée par une minorité a compromis sérieusement toutes les chances de voir les
modérés bénéficier d’une confiance à même de permettre une révision de leurs
conditions ou de prendre au sérieux leurs déclarations de repentir. L’étau
s’est resserré contre eux et ils ont désormais moins de facilités.
Dans
quelques semaines, quelques mois, on entrera de nouveau dans la routine. Les
rapports avec les Gardes redeviendront ce qu’ils ont toujours été. D’autres
prisonniers seront retenus en détention malgré l’expiration de leurs peines. Un
nouveau sit-in, de nouvelles escarmouches, une nouvelle prise d’otages, de
nouvelles libérations sous la contrainte… Qu’est-ce qui empêcherait une telle
éventualité ?
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