L’affaire
de la Maurisbank a-t-elle des incidences qui échappent encore au public (et aux
journalistes qui ne lui accordent aucun intérêt) ? L’on soupçonnait qu’elle
est derrière le limogeage du Gouverneur de la BCM. L’on s’attendait à ce qu’elle
touche d’autres hauts responsables dont le ministre des finances, en première
ligne aussi dans d’autres affaires de malversations dans son département.
Voilà
que c’est d’abord le Directeur général de la Caisse de dépôts et de
développement (CDD), Ahmed Ould Moulaye Ahmed qui est brusquement remercié. Il est
remplacé par son secrétaire général Mohamadou Youssouf Diagana, comme si la
décision avait été prise dans l’urgence. Mais quel rapport avec l’affaire de la
Maurisbank ? La CDD avait bien refusé de prendre en charge la faillite de cette
banque et avait même fait un rapport qui aurait été à l’origine de la prise de
conscience des hautes autorités de l’ampleur des dégâts. Mais pourquoi, parce
que la CDD savait ce qu’il en était, avait-elle fait d’importants dépôts à
Maurisbank ? C’est la liaison dangereuse qui aurait entrainé le Directeur
général de la CDD dans le flot qui semble emporter tous ceux qui ont eu un lien
avec ce dossier. Sinon, Ahmed Ould Moulaye Ahmed est connu plutôt pour son
sérieux et son dévouement au travail.
La
victime attendue était bien sûr Thiam Dhombar, le ministre des finances. D’abord
pour la question des cinq milliards (environ) de chèques certifiés entassés au
niveau du Trésor et jamais débités au niveau des comptes de la Maurisbank à la
BCM. Il y a bien sûr aussi ces quelques milliards envolés dans les perceptions
d’Aïoun et de Nouadhibou (ce sont les seules jusqu’à présent ayant subi un
contrôle sérieux). Les malversations découvertes ne peuvent se faire sans
complicités ou au moins une indulgence et/une incompétence caractérisée de la
hiérarchie dont le ministre est finalement le premier responsable.
C’est
probablement dans l’urgence que le départ de Thiam Djombar a été décidé la
veille de la tenue du sommet de la transparence, intitulé «Transparence et
développement durable en Afrique». En tout cas, il donne la preuve que les
autorités mauritaniennes entendent bien punir tout agissement contraire aux
règles de la transparence.
L’occasion
de procéder au premier remaniement de l’ère Yahya Ould Hademine. Ce remaniement
a touché des ministères importants, emportant trois ministres et permettant l’entrée
de trois autres.
Ahmed
Ould Teguedi quitte les affaires étrangères alors qu’il est au Caire où il
préside les tractations entreprises par la Ligue Arabe en vue d’apporter des
solutions au dialogue interlibanais. Il est remplacé par Vatma Val Mint Soueyné
qui était à la culture. Professeur de littérature anglaise, Mint Souené parle
aussi bien Arabe que Français. Sa prestation à Chinguitty lors du festival des
villes anciennes a révélé une femme de caractère. Sa nomination à ce poste remet
la Mauritanie en scelle sur la question genre. Notre pays est le premier pays
arabe à avoir nommé une femme à la tête de sa diplomatie en 2009 quand c’était
Naha Mint Mouknass. Un gage de modernité dont nous avons besoin en ces temps où
l’obscurantisme assombrit les horizons.
Mokhtar
Ould Diay qui remplace Thiam Diombar aux Finances était jusque-là directeur
général des Impôts. A ce poste, il a été salué pour l’ampleur des recouvrements
effectués par ses services. Il n’a pas hésité à procéder à des redressements
fiscaux qui n’ont pas épargné les hommes d’affaires supposés très proches du
pouvoir. Il a été menacé publiquement et par téléphone par certains d’entre
eux, ceux qui excellent dans le trafic d’influence et pour lesquels une telle
mesure renseigne sur le peu de protection dont ils bénéficient. Certains lui
reprochent d’en faire trop, mais, vu à l’aune des appréciations des gros
opérateurs habitués à corrompre et/ou à terroriser les fonctionnaires, Ould
Diay a plutôt assuré.
Ahmed
Salem Ould Bechir, excellent ingénieur, hérite du ministère du pétrole, des
mines et de l’énergie. Il revient à un secteur qu’il connait bien lui qui avait
été directeur général de la SOMELEC. Au ministère de l’hydraulique où il est
remplacé par Mohamed Ould Khouna, il avait eu pour mission d’engager le
programme d’assainissement de Nouakchott. Des solutions ont été trouvées et
même des financements, mais rien n’est concrètement réalisé. Intelligent et
entrepreneur, Ould Bechir a à réactiver un ministère qui sombrait dans la
léthargie. Il remplace quelqu’un qui a l’art d’endormir les départements où il
exerce (formation, enseignement technique, pétrole, mines, énergie…).
Dia
Mokhtar Malal quitte le secrétariat général de la Présidence, un poste
équivalent à celui de Premier ministre bis, pour l’emploi et la formation
professionnel (les TIC’s aussi). Que pourra-t-il faire ici qu’il n’a pu faire
ailleurs ?
Notre
consœur Hindou Mint Aïnina n’aura pas le temps de finir le travail qu’elle a
plutôt bien commencé au niveau des Mauritaniens de l’étranger. Elle atterrit à
la culture (et l’artisanat). Ses atouts : son niveau, son cursus et sa
force de caractère. Sa remplaçante aux affaires maghrébines, africaines et aux
Mauritaniens de l’étranger est une inconnue de l’espace médiatico-politique. On
sait d’elle juste qu’elle s’appelle Khadijetou Mbareck Fall.
Coumba
Bâ, l’inamovible conseillère du Président de la République revient au
Gouvernement comme ministre des sports. Elle remplace Houleymato Sao, une fille
qui ne savait finalement pas pourquoi elle était là, à peine si elle ne s’excusait
pas d’être là justement. La personnalité de la Denianké Coumba Bâ
servira-t-elle à faire avancer le secteur abandonné trop longtemps ?
Il
faut remarquer enfin que le quota des femmes a augmenté : elles sont
maintenant 7 sur les 29 portefeuilles (y compris le Premier ministre et le
ministre secrétaire général de la Présidence). Les femmes présentes au
gouvernement ne font pas dans la figuration : six d’entre elles ont bien
la compétence et l’envergure requises pour assurer leurs fonctions de
ministres.
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