Dernièrement,
l’opinion publique mauritanienne, celle qui se construit sur la toile, a été bouleversée
par cette rencontre entre le Président de la République et les représentants
de la communauté Soninké. Le choc était d’autant plus grand que les termes
sont ceux de l’AMI, agence d’information officielle. On s’attend désormais à la
couverture par cette agence, et par les autres médias publics, des activités
des communautés et pourquoi pas des tribus. Au-delà de tout ce qui a été dit,
il faut insister sur deux aspects de la question.
Les
représentants de la communauté Soninké sont venus se démarquer d’une
déclaration qu’un autre groupe aurait rendu publique au nom de la communauté
Soninké, un groupe de jeunes qui se réclame aussi représentants de
communauté Soninké. L’un et l’autre des groupes font usage de faux. Aucune communauté
n’a de représentants attitrés. Déjà, aucun village, aucune caste, aucune tribu,
aucun groupe ne peut se prévaloir d’une unité qui lui permette de désigner des
représentants pour parler en son nom. Qu’est-ce qui se passe alors ?
Comme
au niveau de chaque tribu, de chaque communauté, voire de chaque famille, la
concurrence entre les acteurs pour un placement dans les structures de l’Etat
(poste électif, poste administratif…) prend souvent des allures tragiques,
comme s’il s’agissait d’une lutte à mort. C’est l’un des héritages de l’époque
PRDSienne qui a vu l’exacerbation des différences devenir une donne dans la
gestion des affaires publiques.
La
lutte de placement qu’on peut aussi dire de classement est le
moteur qui fait mouvoir l’espace politique. Le reflux des idéologies et des
visions humanistes a cédé la place aux réflexes grégaires, épidermiques. Même les
causes les plus nobles sont devenues un fonds de commerce politique dans cette
lutte de classement. Il suffit de voir tous ces faux militants se greffer sur
le combat légitime des anti-esclavagistes. C’est la faute à tout le monde.
C’est
pourquoi, le salut du pays passe nécessairement par une réhabilitation, une
revivification (pour parler à la manière des Soufis) des vocations premières d’un
Etat qui n’avait d’autre atout pour s’imposer aux siens et aux autres que la
foi de ses bâtisseurs.
Au
début était la volonté des Mauritaniens de renoncer à leurs particularismes
pour fondre dans une structure qui appartient à tous et qui vit de l’apport de
chacun. La volonté de créer un espace où la citoyenneté prime sur l’appartenance
communautaire, où l’égalité imprime les rapports entre individus.
Créer
un espace où se développeront de nouvelles valeurs favorisant l’émancipation de
l’individu des pesanteurs d’une société traditionnelle qui n’est pas à pleurer
pour ce qu’elle impose de rapports et de pratiques iniques. L’on doit reconnaitre
que, malgré les survivances mais aussi les déviances, nous sommes loin et même
très loin du système qui régissait notre société et notre espace. Ce n’est pas
la peine de polémiquer là-dessus.
Revivifier
les vocations de départ consiste à refuser à tous ceux qui
n’ont plus rien à nous offrir que le retour à nos rapports épidermiques, à leur
refuser de nous imposer leurs manières de nous voir. Cela commence par dénoncer
ces faqih et shaykh qui nous imposent les lectures les plus rétrogrades de
notre religion, par lutter contre ces politiques ayant échoué dans leurs
entreprises multiples et qui n’ont plus à nous proposer qu’à cultiver nos
différences pour en faire une source de confrontations, et par combattre les
discours développés sur l’espace public pour remettre en cause les principes
sacrés pour lesquels nous nous sommes engagés ensemble (discours inégalitaires,
propos contre le statut personnel, soutenant l’esclavage, cultivant les
particularismes pour en faire une valeur…).
Ce
n’est pas parce que nos politiques n’ont plus de quoi nous faire rêver à un
avenir meilleur (parce que commun) que nous devons accepter de nous laisser
berner par des discours qui se construisent autour des particularismes
singuliers et non des richesses plurielles.
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