Deux
procès s’ouvrent en même temps en Mauritanie. Le premier à Nouadhibou où l’on
juge le jeune auteur de l’article jugé blasphématoire pour le Prophète (PSL). Le
second se tient à Rosso. Là on juge Birame Ould Dah Ould Abeid, président d’un
mouvement anti-esclavagiste, arrivé deuxième à la dernière élection
présidentielle avec plus de 8% des voix. Chacun des deux procès est lourd de
conséquences pour la Mauritanie, pour le pouvoir en place, mais aussi et
surtout pour le débat sociétal qui prend toute son ampleur avec l’éclosion de
la liberté d’expression.
Le
procès de Nouadhibou prend déjà l’aspect d’une Inquisition car le niveau de
ceux qui jugent et de ceux qui défendent fait qu’on bloque autour de la
question du repentir. Le repentir du jeune Ould Mkhaytir est-il sincère ou non ?
est-il suffisant quand il s’agit d’atteinte à la personne de Mohammad, Paix et
Salut sur Lui (PSL) ?
Le
débat sur la loi mauritanienne est ainsi occulté. Nous apprenons ce soir que le
jeune a été condamné à mort. Il ne pouvait en être autrement quand on a été
incapable de s’extraire à la pression de la rue. La loi mauritanienne est
pourtant claire.
Dans sa section IV intitulée «Attentats aux mœurs de l’Islam, Hérésie,
apostasie, athéisme, refus de prier, adultère», le Code pénal mauritanien
dit en son Article 306 : «Toute personne qui aura commis un outrage
public à la pudeur et aux mœurs islamiques ou a violé les lieux sacrés ou aidé
à les violer, si cette action ne figure pas dans les crimes emportant la
Ghissass ou la Diya, sera punie d'une peine correctionnelle de trois mois à
deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 5.000 à 60.000 UM.
Tout musulman coupable du crime d'apostasie, soit par
parole, soit par action de façon apparente ou évidente, sera invité à se
repentir dans un délai de trois jours. S'il ne se repent pas dans ce délai, il
est condamné à mort en tant qu'apostat, et ses biens seront confisqués au
profit du Trésor. S'il se repent avant l'exécution de cette sentence, le
parquet saisira la Cour suprême, à l'effet de sa réhabilitation dans tous ses
droits, sans préjudice d'une peine correctionnelle prévue au 1er paragraphe du
présent article.
Toute personne coupable du crime d'apostasie (Zendagha) sera, à moins
qu'elle ne se repente au préalable, punie de la peine de mort.
Sera punie d'une peine d'emprisonnement d'un mois à deux ans, toute
personne qui sera coupable du crime d'attentat à la pudeur.
Tout musulman majeur qui refuse de prier tout en reconnaissant l'obligation
de la prière sera invité à s'en acquitter jusqu'à la limite du temps prescrit
pour l'accomplissement de la prière obligatoire concernée. S'il persiste dans
son refus jusqu'à la fin de ce délai, il sera puni de la peine de mort.
S'il ne reconnaît pas l'obligation de la prière, il sera puni de la peine
pour apostasie et ses biens confisqués au profit du Trésor public. Il ne
bénéficiera pas de l'office consacré par le rite musulman.»
Ce Code pénal qui date de juillet 1983 (Ordonnance 83-162 du 09 juillet
1983) n’a jamais été revisité. Devant la pression de la rue, les Ulémas – dont certains
avaient participé à la rédaction de ce texte – ont préféré se taire pour
laisser la scène à des barbus de pacotille.
Le deuxième procès qui s’est ouvert ce matin ne peut que se transformer en
procès politique. Procès du régime, de la société inégalitaire, probablement de
la communauté Bidhâne… on ne peut plus éviter qu’il en soit ainsi dès lors que
les mobilisations se sont faites sur la base des appartenances partisanes :
c’est un peu l’Union pour la République (UPR) qui se dresse face à IRA qui
bénéficie du coup du soutien plus ou moins annoncé des protagonistes du parti
au pouvoir.
Il ne sera probablement pas
question de la question de l’esclavage. Les uns et les autres refusant d’aller
au fond des problématiques. Restera pour nous l’amère impression qu’on a risqué
inconsidérément de ternir l’image du pays en engageant deux procès symboles :
celui de Nouadhibou qui renvoie à la liberté d’expression et de culte, l’autre
à Rosso qui reste lié aux Droits de l’homme. Des thèmes souvent utilisés par
les activistes aux Etats-Unis, en Europe pour viser des pays et/ou des aires
culturelles dans le collimateur.
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