C’est sans doute une grande chance pour le Président Mohamed Ould Abdel
Aziz que d’avoir à interférer dans la crise du Burkina Faso, ce pays si lointain
hier, si distant et si «suspect» quand il avait à sa tête le Président
Blaise Compaoré. On ne doit pas avoir oublié le traitement réservé à la
délégation présidentielle mauritanienne lors des festivités marquant le
cinquantenaire de l’indépendance du pays. Quand aucun responsable n’est venu à
l’accueil à l’aéroport de Bobo Dioulasso. Une façon pour Compaoré d’humilier le
Président mauritanien et sa délégation. Bien sûr, que beaucoup de choses se
sont passées depuis, notamment deux voyages au moins de Blaise Compaoré à
Nouakchott où il devait assister à des panels dirigés par le Président Ould
Abdel Aziz. A aucun moment, celui-ci n’a laissé transparaitre son ressentiment.
Aujourd’hui, Blaise Compaoré est chassé du pouvoir et c’est au Président
Mohamed Ould Abdel Aziz, président en exercice de l’Union Africaine (UA) de
venir tenter d’accélérer le processus de normalisation.
A son arrivée à l’aéroport de Ouagadougou, le Président Ould Abdel
Aziz a commencé par remercier autorités et peuple burkinabés pour «l’accueil
chaleureux» qui «ne surprend pasd’ailleurs» parce qu’«on est en
terre africaine». Il a vite levé l’équivoque en affirmant que «l’Union
Africaine n’est pas venue pour sanctionner les Burkinabés», mais pour
participer à la solution de la crise ouverte. «C’est aux Burkinabés de
trouver la solution par eux-mêmes, l’Union Africaine est là pour les
accompagner». Avant de louer les sacrifices consentis par le peuple
burkinabé et son armée. «Nous ne pouvons que les féliciter, les encourager à
continuer de travailler dans la tranquillité, la sécurité et la paix sociale»
en vue de raffermir le régime démocratique et de normaliser la situation du
pays. Il n’a pas oublié de regretter «ce qui s’est passé» notamment les
morts et de souhaiter «prompt rétablissement pour les blessés».
Les déclarations du Président en exercice de l’UA sonnent comme un
rappel à l’ordre pour le conseil de paix et sécurité (CPS) dont le commissaire
avait donné quinze jours aux autorités militaire du Burkina pour remettre le
pouvoir aux civils. Une menace qui avait été mal apprécié par le
Lieutenant-colonel Isaac Zida, chef de la junte.
L’arrivée du Président Ould Abdel Aziz à Ouagadougou a coïncidé
avec la remise aux militaires d’un «projet de charte de la transition»
consensuel, fruit d’un travail laborieux effectué par les partis politiques de
l’ancienne opposition, la société civile et les autorités coutumières et
religieuses.
Le projet fixe un délai de douze mois pour revenir à un ordre
constitutionnel normal. 26 articles qui devront être revus et probablement
amendés par la junte. En certains de ses aspects, le projet semble chercher à
confier à la transition des missions qui demandent plus de temps, une
légitimité certaine du pouvoir et un apaisement des relations. Comme par
exemple la question de la réconciliation nationale. Les structures proposées
sont lourdes. Le projet propose la mise en place d’une assemblée nationale de
90 sièges répartis comme suit : 40 sièges à l’opposition (dont 28 à
reconduire simplement parce qu’ils siégeaient à l’Assemblée), 30 pour la
société civile, 10 pour la junte et 10 pour l’ancienne Majorité qui soutenait
Blaise Compaoré.
Après l’adoption de la charte (avec amendements ou non), les
militaires et les acteurs de la vie publique burkinabée devront se mettre d’accord
sur le nom de la personnalité qui devra diriger la transition, ensuite sur les
membres du gouvernement qui sera chargé de la gérer jusqu’au bout. Les membres
de ce gouvernement et probablement ceux de l’Assemblée ne pourront pas
prétendre à des postes électifs durant cet exercice.
Pendant ce temps, le Président Blaise Compaoré multiplie ses
sorties pour commenter l’actualité dans son pays. Il a notamment promis une
instabilité chronique au Burkina et accusé l’opposition d’avoir fomenté un
complot avec l’Armée. Comme quoi, il est difficile d’accepter la déroute.
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