Pages

mardi 8 octobre 2013

Grande victoire du Petit Poucet

C’est aujourd’hui que la Mauritanie a gagné la bataille engagée autour de l’Accord de pêche avec l’Union européenne. Bataille engagée depuis juillet 2012, date de la conclusion des accords entre les négociateurs des deux parties.
Grand jour. Parce que c’est la première fois de l’histoire récente du pays qu’un accord, quel qu’il soit, est l’objet de négociations sérieuses et déterminées dont l’objectif est d’en faire profiter le pays. En effet, tous les accords précédents ont été signés rapidement, sans confrontation et dans une atmosphère quelque peu suspicieuse quant à l’engagement du négociateur mauritanien. On a même parlé de «corruption», sinon de «je-m’en-foutisme» des négociateurs mauritaniens. Pendant très longtemps, l’important est de rapporter un document signé, pas ce qu’il y a là-dedans.
Au terme de cet Accord – rappelons-le -, la compensation versée à la Mauritanie sera de 110 millions d’euros dont 70 supportés par la Commission et 40 par les armateurs. Les captures sont désormais débarquées dans les ports mauritaniens, ce qui, au-delà du contrôle du produit, donnera un plus d’emplois et permettra aux usines à terre de tourner en plein régime. 62% de personnels mauritaniens obligatoirement embarqués et bien d’autres avantages dont le moindre est une (re)limitation des zones de pêche visant à limiter les dégâts causés par la flotte européenne. Mais le plus grand «acquis» du nouvel accord est sans doute la fermeture du secteur des céphalopodes devant les étrangers. Ce produit est désormais réservé aux seuls nationaux. Quand on sait que la pêche artisanale emploie 30.000 personnes environ sur les 36.000 que compte le secteur, quand on prend en considération la menace qui pèse sur cette ressource jusque-là surexploitée, on comprend alors la portée d’une telle décision. Et c’est principalement ce volet de «nationalisation» de la ressource qui a provoqué l’ire des Espagnols.
Dans le bras de fer qu’ils engageront, les Espagnols réussiront à embarquer avec eux les Portugais, les Hollandais, les Lituaniens… Pas pour longtemps. Les arguments développés par le négociateur mauritanien et la mobilisation de certains des acteurs (les artisanaux) vont permettre de «casser» l’alliance contre l’Accord. La partie européenne reconnait désormais que «le protocole servira mieux les besoins alimentaires des populations locales, notamment parce que la flotte européenne devra redistribuer une partie de sa pêche. Il prévoit également davantage d’offres d’emplois pour les marins mauritaniens.»
Sur son blog, le député européen Alain Cadec qui se trouve être le vice-président de la commission de la pêche du Parlement européen, explique : «J’ai voté en faveur de ce protocole que je considère comme juste et satisfaisant. La contrepartie financière payée à la Mauritanie a augmenté afin de permettre le développement du secteur mauritanien de la pêche. Les quotas de thon, crevettes et merlu noir sont satisfaisants pour la flotte européenne. Enfin, les conditions techniques de l’accord négociées pour les armateurs européens sur place sont elles aussi meilleures que celles du protocole précédent (…) Le rejet de cet accord aurait été un mauvais signal donné à la Mauritanie et aurait entraîné l’arrêt des activités de pêche pendant au moins trois ans. Je me félicite du vote du Parlement qui a largement adopté cet accord». Tandis que le rapporteur Gabriel Mato Adrover, le député espagnol qui avait tout fait pour bloquer l’Accord préfère porter son regard sur l’avenir : «Nous devons désormais nous préparer au renouvellement de cet accord, qui devrait expirer fin 2014, afin de garantir que le prochain protocole améliore les conditions actuelles et que les négociateurs de la Commission européenne veillent à ce qu’il inclue le secteur dans son ensemble». L’ambiance sera chaude quand s’ouvriront les discussions en 2014…
En attendant comprenons que le processus a réussi parce que, les négociateurs, s’appuyant sur une volonté politique déterminée, ont cherché à défendre réellement les intérêts du pays. Les interférences «politiques» et «diplomatiques» n’ont pas fait plier les autorités mauritaniennes qui ont confié le traitement de la question à des techniciens qui avaient la compétence nécessaire et qui étaient à l’abri des tentations.

La conclusion de l’Accord nous enseigne que ce n’est pas parce qu’un pays est faible qu’il ne doit pas défendre ses droits et croire à la victoire. Comme elle nous enseigne qu’il n’est pas nécessaire d’avoir des accords avec nos partenaires s’ils ne profitent pas à tous. Leçon destinée à nos négociateurs qui sont toujours prompts à signer tout pourvu qu’on puisse faire une dépêche sur telle ou telle convention.