samedi 9 février 2013

Ça ne va pas au Mali


C’est une lapalissade de le dire. Mais c’est aussi surprenant de le constater. Un pays comme le Mali qui a son Histoire millénaire, ses élites qui ont fait la fierté de tout un continent, son modèle qu’on croyait ancré et qui avait donné deux alternances politiques, ses traditions de dialogue et d’ouverture… un pays comme celui-là où l’on n’entend que les voix cultivant le racisme, appelant à l’exercice de la violence contre une partie de sa population, refusant le dialogue entre les protagonistes d’un conflit qui dure depuis trop longtemps… un pays comme celui-là où une partie de ses fils tire sur une autre alors que la Nation a besoin de la vaillance de tous ses fils pour se remettre debout, alors que l’Armée malienne a besoin des armes et des munitions utilisées par les «bérets verts» contre les «bérets rouges» (et par ceux-ci contre ceux-là)…
L’attentat perpétré par un kamikaze aux abords d’un poste de contrôle pourrait être le début d’une prolongation de la guerre contre le terrorisme. Ce qui laisse présager d’un avenir incertain pour une Nation qui a cru se mettre à l’abri depuis tous les accords et pacte nationaux signés par le passé. La gestion catastrophique du pays par ATT, la connivence des partis politiques qui voulaient participer à tout prix à l’exercice du pouvoir, la recherche continuelle d’un consensus «à l’africaine» (je ne sais pas ce que ça veut dire) et l’interférence des acteurs extérieurs ont entrainé le Mali dans le tourbillon qui a d’abord consisté en une fuite en avant et un refus de faire face aux menaces des terroristes qui prenaient possession d’une partie du territoire et de sa population. En désespoir de cause, le Mali de ATT cédait une partie de sa souveraineté à ces groupes mais aussi aux pays qui voulaient s’en prendre à eux. La démission de l’Etat malien a commencé ici. Elle s’est poursuivie avec le refus d’empêcher les groupes armés de revenir de la Libye s’installer et créer des bases sur place. Puis par l’entêtement à vouloir organiser des élections présidentielles, faisant fi de la situation de partition du pays. Enfin par l’intensification de la déconfiture de l’Armée dont les unités ont été dressées les unes contre les autres.
Si bien que quand éclate une mutinerie, somme toute anodine dans un pays africain en proie déjà à la guerre, elle prend vite la forme d’un coup d’Etat avant de provoquer l’effondrement de toutes les Institutions. L’intervention de la CEDEAO, loin d’arranger les choses, va les compliquer en engageant un processus de normalisation du coup d’Etat, l’artifice du retour à la «l’ordre constitutionnel» resté plutôt une consommation du fait accompli. Jusqu’à présent, c’est bien la présence d’une «autre tête» au sommet de la hiérarchie malienne qui perturbe la normalisation de la vie publique dans le pays : le capitaine Amadou Sanogo continue à tirer les ficelles depuis Kati. Tout ça parce que les pays «frères» et «amis» veulent chacun y trouver ou régler un compte.
S’il y des leçons à tirer pour nous, j’en retiendrai trois. La première est que la Mauritanie a bien fait en anticipant sur l’accomplissement des desseins d’Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI) par des attaques et des enlèvements réussis opérés en plein territoire …malien (ce n’était déjà plus l’autorité malienne qui s’y exerçait). Sans ces attaques contre les bastions de l’organisation, à Wagadu et dans l’Azawad, le théâtre des opérations aurait été certainement la Mauritanie. Sans ces attaques et sans la restructuration de l’Armée, nous n’aurions absolument pas été épargnés par la guerre.
La deuxième leçon est relative à cette démarche du «consensus mou» que l’on croit entretenir par la formation d’un gouvernement d’«union nationale» ou de «large ouverture» et dont la première conséquence est la disparition de tout contrepouvoir. C’est bien ce qui est arrivé au Mali où l’ensemble de la classe politique a participé à la gestion du pouvoir, un pouvoir qui a installé un système corrompu et clochardisé par la criminalité internationale (trafic de drogue, enlèvements, terrorisme…). Une telle démarche qu’on veut «inclusive» est en réalité catastrophique en démocratie, surtout dans les démocraties naissantes où une proposition alternative doit toujours exister.
La troisième leçon concerne le danger que fait peser sur des pays comme les nôtres, la diversité ethnique et/ou culturelle mal gérée. L’instrumentalisation des différences mène fatalement à l’exacerbation des antagonismes qui sont souvent artificiellement entretenus par les partis, gouvernants ou opposants, en vue de réglages destinés à cacher les insuffisances en matière de propositions pour la communauté.
A y regarder de près, le Mali est encore plus proche de nous que certains d’entre nous ne le pensent.

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