Ils étaient finalement 32 agresseurs à avoir participé à l’attaque
du site gazier de Tiguentourine. 29 d’entre eux ont été tués. Ils appartenaient
à sept pays différents : Algérie, Egypte, Tunisie, Mali, Niger, Canada et
Mauritanie.
Le Mauritanien du groupe est un jeune du nom de Abdallahi Ould
Hmeida. Il a rejoint les groupes au Nord du Mali en 2008 alors qu’il avait 14
ans. Il en a donc 18 aujourd’hui.
Deux des Algériens, Abul Bara qui a un moment été présenté comme le
chef du groupe opérant à In Amenas, et Lamine Bouchenab qui en est le véritable
cerveau, appartiennent tous deux à un groupe algérien dénommé «les fils du
Sahara islamique». Voilà ce que nous en écrivions en avril dernier (édition N°
590 du 8/4/12), après avoir insisté sur l’option du MUJAO de cibler l’Algérie :
«Un autre mouvement partage le
souci de cibler l’Algérie. Un peu plus marginal que le MUJAO, le «mouvement
des fils du Sahara pour la justice islamique», composé essentiellement des ressortissants des
zones sahariennes algériennes. Né en 2007, il a eu à son actif une attaque
célèbre : l’opération de Djanet effectuée le 8 novembre 2007 et à la
suite de laquelle les autorités algériennes ont ouvert des pourparlers avec le
mouvement. Pour ce faire, elles auraient utilisé les services des notabilités
locales pour avoir une accalmie. Le mouvement réapparait en septembre 2011 à
travers un violent communiqué annonçant que le mouvement prend ses bases dans
le nord malien avec pour objectif de s’attaquer au pouvoir algérien. Les
combattants de ce mouvement seraient aujourd’hui sous la bannière du MUJAO pour certains, de Ançar
Eddine pour d’autres».
C’est un mouvement qui voulait jouer le rôle d’Ançar Eddine mais pour le Sud
algérien…
Abderrahmane Ennigery du Niger est
très connu des services mauritaniens pour avoir participé à plusieurs attaques
contre notre pays et pour avoir encadré de nombreux combattants recrutés parmi
la jeunesse mauritanienne.
L’opération de In Amenas a
finalement coûté très cher à AQMI en la privant des services de quelques-unes
de ses figures les plus emblématiques et de ses animateurs les plus déterminés
et les plus sanguinaires. Au moment où la communauté internationale accepte
enfin de consacrer un effort pour éradiquer le crime organisé dans cette région
sahélo-saharienne.
Dans le même journal de l'époque, on concluait
sur AQMI :
«Que veut AQMI ?
Créer un Emirat islamique qui servira de base pour«combattre les impies»,
gouvernements jugés à la solde de l’ennemi de l’Islam (l’Occident),
populations ne se pliant pas aux «préceptes originels de l’Islam»,
intellectuels, cadres, femmes dévoilées… et surtout lutter contre la démocratie
considérée comme une apostasie, source des malheurs des peuples de la
sous-région. C’est du moins l’objectif officiellement exprimée des chefs de
l’organisation.
Dans la vie de tous les jours, on les voit se mêler
aux trafics les plus illicites : drogue, armes, personnes, cigarettes et
même alcool. Et s’ils ont réussi leur insertion sociale dans cet espace
sahélo-saharien, c’est bien parce qu’ils ont pu «accompagner», couvrir et
promouvoir les activités qui font vivre les populations et qui sont
nécessairement des activités illégales.
Avec la prise des grandes villes du nord malien par
ses alliés d’Ançar Eddine et ceux de MUJAO, AQMI aura à faire
une mutation. De mouvement faisant des montagnes Tegharghar un Tora
Borasaharien, AQMI est désormais adressée dans des villes
comme Tombouctou, Gao ou Kidal. Peut-être pas ses éléments algériens, mais son
élément africain, surtout malien et mauritanien. Est-ce à dire qu’il est plus
facile désormais d’éradiquer le mouvement ? Rien n’est moins sûr
maintenant qu’elle a de nouveaux armements, des bases fixes et un territoire à
défendre.
Les spécialistes ont souvent parlé de la volonté d’Al
Qaeda de provoquer l’arrivée sur ses territoires d’opération d’un
élément militaire occidental. Cela lui permet à chaque fois de transcender le
débat sur la légalité de combattre une armée d’occupation, et en même temps de
justifier de nouveaux recrutements. C’est la théorie de «l’ennemi
lointain» qu’il faut amener à proximité en combattant «l’ennemi
proche» que sont les gouvernements locaux (Jean-Pierre Filiu).
Certains considèrent que les attaques du 11 Septembre
ont été une catastrophe pour Al Qaeda et ses protecteurs Talibans, pour ce
qu’elle a signifié de désastres, de morts ciblées, de démantèlements de
réseaux, de perte d’initiative… D’autres estiment par contre qu’elle a permis à
la nébuleuse de vivre une multitude de vies et sur tous les continents.
Qu’en sera-t-il de l’expérience que nous voyons se
déployer au Mali ? Va-t-elle servir AQMI en en faisant un mouvement de
libération nationale, ou, au contraire, va-t-elle la desservir en mettant à nu
son caractère encombrant pour les populations ? En d’autres termes, dans
les jours qui viennent, l’enjeu ne sera pas seulement «quelle intervention pour
éradiquer le mouvement ?», mais celui de savoir qui des protagonistes
présents, aujourd’hui alliés, va servir l’autre (ou le desservir)».