«A la Ville
et au Monde (Univers)», c’est la bénédiction solennelle du Pape qu’il
adresse traditionnellement le 25 décembre aux habitants de Rome «physiquement présents» en tant qu’«Evêque de Rome» et aux habitants de la terre,
en tant que «Pasteur universel». Traditionnellement,
c’est un message de paix et un vœu de prospérité pour l’Humanité que le Pape
adresse à Rome et au Monde. Le message de cette année était très attendu parce
qu’il s’agit de la première sortie du nouveau Pape, du premier Pape «venant de l’hémisphère Sud» (argentin d’origine).
Trois foyers de crise ont particulièrement retenu l’attention
de son Eminence : la Syrie, la Centrafrique et le Soudan du Sud.
«Le conflit
en Syrie a brisé trop de vies (…), fomentant haine et vengeance. Continuons à
prier le Seigneur, pour (…) que les parties en conflit mettent fin à toute violence
et garantissent l’accès pour les aides humanitaires». Les morts se comptent
par dizaines de milliers, les blessés par centaines de milliers et les déplacés
par millions bientôt. Un pays, il y a trois ans autosuffisant, presque «émergent», détruit aujourd’hui. Un pays
revenu aux heures sombres du sous-développement et de l’arriération après avoir
été à la pointe de la Modernité dans le Monde Arabe. Voilà le résultat d’une
révolution commanditée par les plus anti-démocratiques des régimes arabes. Une révolution
qui est désormais le fait des groupes jihadistes les plus vioents. A qui
profite le crime ?
«Donne la
paix à la République de Centrafrique, souvent oubliée des hommes. (…) Tu veux
porter aussi la paix à cette terre déchirée par une spirale de violence».
Une spirale qui connait son summum avec l’intervention des forces françaises. Entreprise
sous prétexte de garantir la stabilité et la sécurité, l’intervention française
a plutôt favorisé la recrudescence de la violence. Il y a plus de morts aujourd’hui,
de blessés aujourd’hui, de déplacés aujourd’hui qu’avant l’intervention. Le présent
est plus dur à vivre pour les Centrafricains qu’avant l’intervention. L’avenir
est plus sombre pour les Centrafricains. Les déchirures ethniques et
religieuses sont plus fortes qu’avant… Nous assistons désormais à une guerre
civile dans laquelle le rôle et le positionnement des forces venues pour «sécuriser les populations» sont
équivoques : accusées les unes et les autres d’appuyer un camp ou un
autre.
«Favorise
Seigneur, la concorde au Soudan du Sud où les tensions actuelles ont déjà
provoqué des victimes et menacent la cohabitation pacifique du jeune Etat».
Ce n’est pas l’indépendance de ce territoire qui ramène la paix à la région. Au
contraire, elle complique les rapports ethniques, les rapports entre Etats et
exacerbe les haines et les frustrations.
Mais qui entend encore le Pape ? La folie des
hommes en cette fin d’année est plus destructrice qu’auparavant. Le langage de
la Raison, celui de l’Amour, celui de la Justice… ne sont plus entendus. Cela me
rappelle la situation de chez nous qui pose une problématique autrement
plus dangereuse : qui se prévaut d’assez d’autorité morale pour nous
imposer de refuser de nous s’entredéchirer ? où est le chef politique qui,
par son parcours irréprochable, peut nous intimer l’ordre de ne pas nous faire
mal les uns les autres ? où est l’autorité religieuse qui peut, par son
charisme, nous amener à discuter plutôt qu’à nous faire violence ? où est
le chef traditionnel, le rebelle, le militant, l’homme de culture, le Juge… où
est-il ce personnage qui peut incarner pour nous l’unité et la tolérance ?
Les années PRDS n’ont pas laissé de «hazaaz», quelqu’un qui peut faire
le facilitateur, le médiateur, l’interface. La plupart de ceux qui pouvaient
jouer ce rôle ont été «mouillés» -
pour ne pas dire «éclaboussés» - à un
moment ou un autre par nos contradictions politiques, nos positionnements prenant
souvent l’allure de «placements
financiers».
Ces «hazaaz»
(médiateurs) devaient être remplacés par la promotion d’une équité sociale, d’une
égalité en droits, d’une application stricte des lois, d’un respect rigoureux
des termes du contrat de citoyenneté qui nous lie, de l’osmose culturelle qui a
marqué notre histoire, d’une recherche de notre être, d’une complémentarité
dans l’accomplissement de notre Destin, d’une solidarité valant pour tous…
…Tout cela reste à
faire.
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