Est-ce
que l’heure des comptes a sonné pour les politiques ? Certainement. Il est
temps pour eux de faire le bilan au niveau de chaque groupe de partis, de
chaque parti, pour évaluer l’impact des choix faits à l’occasion des élections.
En attendant les conclusions «officielles» des partis qui ne finissent
pas de digérer l’après-élections, nous sommes en droit de faire les nôtres.
Au
niveau de la Majorité présidentielle, on a vu l’Union pour la République (UPR)
acquérir une majorité des sièges de l’Assemblée et une grande partie des
mairies du pays. Ce qui confirme son statut de leadership au sein de ce groupe.
C’est une performance quand on sait que ce parti a souffert des attaques de
tout le monde : les partis concurrents de l’Opposition, ses choix, ses
militants, ses cadres, son gouvernement… Son président, Mohamed Mahmoud Ould
Mohamed Lemine doit être aux anges, lui dont le calme froid inquiète dans les
rangs de son parti. Il n’est pas nécessaire pour le parti de chercher des
alliances pour former un nouveau gouvernement ou pour faire passer des lois.
Aucun parti de la Majorité ne lui impose désormais ses désirs.
Toujours
au niveau de cette Majorité, quelques petits partis-satellites de l’UPR
réussissent à tirer leur épingle du jeu. C’est le cas du Sursaut de la Jeunesse
dont la promotion a été facilitée par la nomination de sa présidente au poste
de ministre quelques semaines avant les élections, et «l’orientation» de
certains «mécontents» vers ce parti. Ce qui a permis à des ministres,
membres des instances dirigeantes de l’UPR de le soutenir contre les listes de
leur parti. Idem pour Al Karama qui lui aussi s’impose comme interlocuteur dans
la nouvelle configuration sortie des urnes. Reste à savoir comment vont se
comporter les élus de ces deux partis : vont-ils s’autonomiser et
commettre un parricide en allant contre la volonté de l’UPR qu’ils ont combattu
pendant les élections ? On verra…
Au
niveau de ce qu’on appelle «l’Opposition participationniste», Al Wiam
sort grand vainqueur parce qu’il occupe la première place sur cet échiquier.
Son président, Boydiel Ould Hoummoid garde une marge de manœuvre : il peut
négocier un ralliement à la Majorité présidentielle comme il peut revendiquer
la deuxième place au sein de l’Institution de l’Opposition et attendre
tranquillement l’élection présidentielle pour être plus sûr. Le fait de se
trouver codirigeant de l’Institution de l’Opposition est déjà une victoire pour
celui qui n’a jamais renié le régime de Ould Taya auquel il a appartenu. Le
sens de la loyauté est pour beaucoup dans sa réussite.
L’Alliance
populaire progressiste (APP) est dans une mauvaise passe. Son président
Messaoud Ould Boulkheir ne peut plus occuper le poste de président de
l’Assemblée nationale. Il sera mal à l’aise dans une Institution de
l’Opposition où il ne sera ni le président ni le secrétaire général. Peut-il se
contenter d’un rôle de second plan ? Difficile. L’homme est un battant
habitué à jouer dans l’avant-garde. Durant les cinq dernières années, il a été
une pièce maitresse dans l’évolution politique du pays : en 2007, son
soutien a été déterminant pour le candidat Sidi Ould Cheikh Abdallahi en
contrepartie de la présidence de l’Assemblée nationale (avec cinq députés ; en
2008, c’est sa présence qui légitime l’action du Front de défense de la
démocratie (FNDD) ; en 2009 sa candidature au nom du FNDD et son résultat
sont pour beaucoup dans la relégation de Ould Daddah parti initialement pour
être LE candidat de l’Opposition ; en 2010, sa présence aux côtés du
Président Ould Abdel Aziz permet à celui-ci de délégitimer l’action de ses
détracteurs ; en 2011 et 2012, c’est bien son acceptation d’aller au
dialogue qui donne à celui-ci tout l’envergure qu’il a eu ; en 2013, on ne
parle plus que de «l’initiative du Président Messaoud»… Comment va-t-il
accepter aujourd’hui de faire partie du deuxième rang ?
Au
niveau de la Coordination de l’Opposition Démocratique (COD), le choix du
boycott devra être coûteux. En terme de cohésion d’abord : comment ces
partis qui n’ont rien à voir les uns avec les autres (à part l’adversité
vis-à-vis de Ould Abdel Aziz) vont-ils rester ensemble ? Quelles
conclusions vont-ils tirer d’un boycott justifié par la volonté de faire
échouer les élections lesquelles se sont finalement déroulées dans de bonnes
conditions ?
Sur
le plan de l’action, on peut la résumer à deux évènements : une marche
avant le premier tour et une autre avant le second. Est-ce suffisant ?
Non, parce que le taux de participation a dépassé les 70%. Non parce qu’il y a
un après qui donne une configuration politique plutôt excellente pour le
pouvoir.
En
cours de route, la COD a perdu Tawaçoul, sans doute le parti le plus dynamique
en son sein et aussi le plus virulent. Grâce aux résultats obtenus au cours des
élections, Tawaçoul fait d’une pierre deux coups.
Parti
récent (2007-2008), il s’impose aujourd’hui comme une force majeure sur
l’échiquier national. Ses victoires et sa présence dans la Mauritanie profonde
lui augurent d’un avenir plutôt radieux. Il dispute aujourd’hui la présidence
de la Communauté Urbaine de Nouakchott à l’UPR. Il est déjà le Chef de file de
l’Opposition démocratique. Ce qui l’impose à tous comme leadership de
l’opposition, comme son porte-parole.
Ce
résultat permet, en seconde lecture, de conforter Tawaçoul dans ses choix. Ceux
au sein de ses compagnons de la COD qui lui avaient reproché la participation
savent aujourd’hui que le parti a tout gagné : être l’opposition «principale»
du Pouvoir en place et rester ainsi dans le jeu. Ce qui n’est pas le cas des
autres qui doivent se débattre aujourd’hui pour trouver le moyen de ne pas
rester au bord de la route.
Reste
un parti, l’Alliance pour la justice et la démocratie/Mouvement de Rénovation
(AJD/MR) de Ibrahima Moktar Sarr. Ce parti est l’invité-surprise de
l’après-élection. Longtemps dans le sillage de l’Opposition, l’AJD/MR a fait
partie de la Majorité avant de la quitter pour rester entre les deux. Même s’il
y a été, il ne fait pas partie des «dialoguistes», il n’est pas non plus
de la COD. Alors ?
Dès
l’élection du directoire de la CUN, on verra où l’AJD/MR va se positionner. Si
le vote de ses quatre délégués de Sebkha va à Tawaçoul, c’est qu’il faut
attendre le parti à l’Institution de l’Opposition, si le choix est l’UPR, c’est
qu’il reviendra à la Majorité. En contrepartie de postes ministériels
peut-être ? C’est le seul parti qui est en mesure aujourd’hui de négocier
un tel marché, parce que son soutien est capital dans une bataille cruciale
pour l’UPR. Mais l’on sait que les penchants de Ibrahima Moktar Sarr sont
plutôt «islamistes» et qu’il est déjà en pourparlers avancés avec
Tawaçoul…
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