Les
Islamistes du pays croisent le fer : entre ceux parmi eux qui dédient leur
action politique au soutien du pouvoir et ceux qui s’investissent dans l’opposition
à celui-ci, rien ne va plus. Apparemment, ce sont les propos de Mohamed Ghoulam
Ould Haj Ahmed, vice-président et élu de Tawaçoul, qui ont mis à nu les
profondes animosités que les deux camps nourrissent les uns vis-à-vis des
autres. La réplique de l’Association des Ulémas et de celle des Imams n’a pas
tardé : elle s’est exprimée à travers un communiqué conjoint publié par
les deux institutions. Ce n’est pas le lieu ici d’interférer dans une polémique
qui ne nous regarde finalement pas. Par contre, il y a bien lieu de souligner l’orientation,
particulièrement dangereuse, du communiqué publié par les Ulémas et Imams.
Dans
son premier paragraphe, ce communiqué s’attaque avec violence à la chaîne
privée Sahel TV qui a mis face à face les interlocuteurs d’un débat finalement
pauvre et peu porteur. Les termes du communiqué sont dangereux parce qu’ils
laissent entendre que les médias n’ont pas vocation à donner la parole à tous
les points de vue pour les laisser s’exprimer. Plus, ces propos font croire qu’il
existe des domaines «sacrés» sur lesquels les médias n’ont pas le droit
de s’exprimer.
On
peut reprocher à un organe de presse de ne pas refléter la différence des
points de vue, la pluralité dans les opinions et dans les convictions, y
compris religieuses. Bien sûr dans le respect de la loi et des règlements en
vigueur dans notre pays. Ni l’Association des Ulémas, ni celle des Imams,
encore moins les Ulémas «indépendants» qui s’expriment de temps en temps pour
interférer dans des situations qu’ils ne maitrisent souvent pas, personne ni
aucune institution n’a le droit de s’instituer en censeur de la pensée ou de l’écrit
dans ce pays. Il y a déjà la HAPA pour ce faire. Personne d’autre n’a le droit
de fixer les limites de la liberté, hors la loi.
Je
me demande pourquoi la réaction des associations de presse, y compris le
Syndicat, a été si timide. C’est un combat qu’il faut mener pendant qu’il est
temps.
Nous
avons entendu pendant toute la campagne électorale certains se réclamer des «envoyés»
ou «délégués» des prophètes. Nous en avons vu qui prétendaient détenir la
vérité sacrée, d’autres qui traitaient tous ceux qui ne sont pas de leur côté
de «mécréants» et d’«hérétiques». La chape s’installe doucement
et dangereusement. C’est pourquoi, nous avons le devoir de faire bloc pour
empêcher l’obscurantisme de faire main basse sur notre pays. C’est une grande
bataille qui doit être menée, d’abord par les journalistes, ensuite par les
organisations de la société civile et enfin par les partis progressistes.
Quand
les Ulémas prennent part à nos querelles pour exercer le pouvoir ou participer
à son exercice, ils perdent cette onction qui les protégeait contre les
critiques. Quand leur positionnement est dicté par la sauvegarde de quelques
intérêts personnels, claniques ou partisans, ils se confondent alors avec les
politiciens souvent décriés. Ils se fondent dans la nasse et perdent
définitivement leur statut d’êtres «supérieurs» : ils reviennent à
leur état de simples citoyens mauritaniens exprimant des opinions qui peuvent –
et doivent souvent – être remises en cause.
Pour
ceux qui ne la savent dans ce pays où tout ce qui est bien est passé sous
silence : quand les deux associations ont publié un communiqué de soutien
au parti au pouvoir (UPR), le journal de 20 heures de TVM a couvert l’évènement,
mais s’est abstenue de le publier dans ses autres journaux parce que la
commission d’évaluation mise en place par TVM et dont la mission était
justement d’éviter les dérives, cette commission a jugé indécent de couvrir une
manifestation qui portait préjudice à une classe d’érudits qui auraient dû se
préserver pour la Nation entière et non pour une partie de cette Nation. Malgré
les pressions, la direction de TVM et sa commission ont tenu. D’où la guerre
aux médias que cette partie de notre élite vient de déclarer.
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