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jeudi 5 décembre 2013

La liberté d’expression en danger

Les Islamistes du pays croisent le fer : entre ceux parmi eux qui dédient leur action politique au soutien du pouvoir et ceux qui s’investissent dans l’opposition à celui-ci, rien ne va plus. Apparemment, ce sont les propos de Mohamed Ghoulam Ould Haj Ahmed, vice-président et élu de Tawaçoul, qui ont mis à nu les profondes animosités que les deux camps nourrissent les uns vis-à-vis des autres. La réplique de l’Association des Ulémas et de celle des Imams n’a pas tardé : elle s’est exprimée à travers un communiqué conjoint publié par les deux institutions. Ce n’est pas le lieu ici d’interférer dans une polémique qui ne nous regarde finalement pas. Par contre, il y a bien lieu de souligner l’orientation, particulièrement dangereuse, du communiqué publié par les Ulémas et Imams.
Dans son premier paragraphe, ce communiqué s’attaque avec violence à la chaîne privée Sahel TV qui a mis face à face les interlocuteurs d’un débat finalement pauvre et peu porteur. Les termes du communiqué sont dangereux parce qu’ils laissent entendre que les médias n’ont pas vocation à donner la parole à tous les points de vue pour les laisser s’exprimer. Plus, ces propos font croire qu’il existe des domaines «sacrés» sur lesquels les médias n’ont pas le droit de s’exprimer.
On peut reprocher à un organe de presse de ne pas refléter la différence des points de vue, la pluralité dans les opinions et dans les convictions, y compris religieuses. Bien sûr dans le respect de la loi et des règlements en vigueur dans notre pays. Ni l’Association des Ulémas, ni celle des Imams, encore moins les Ulémas «indépendants»  qui s’expriment de temps en temps pour interférer dans des situations qu’ils ne maitrisent souvent pas, personne ni aucune institution n’a le droit de s’instituer en censeur de la pensée ou de l’écrit dans ce pays. Il y a déjà la HAPA pour ce faire. Personne d’autre n’a le droit de fixer les limites de la liberté, hors la loi.
Je me demande pourquoi la réaction des associations de presse, y compris le Syndicat, a été si timide. C’est un combat qu’il faut mener pendant qu’il est temps.
Nous avons entendu pendant toute la campagne électorale certains se réclamer des «envoyés» ou «délégués» des prophètes. Nous en avons vu qui prétendaient détenir la vérité sacrée, d’autres qui traitaient tous ceux qui ne sont pas de leur côté de «mécréants» et d’«hérétiques». La chape s’installe doucement et dangereusement. C’est pourquoi, nous avons le devoir de faire bloc pour empêcher l’obscurantisme de faire main basse sur notre pays. C’est une grande bataille qui doit être menée, d’abord par les journalistes, ensuite par les organisations de la société civile et enfin par les partis progressistes.
Quand les Ulémas prennent part à nos querelles pour exercer le pouvoir ou participer à son exercice, ils perdent cette onction qui les protégeait contre les critiques. Quand leur positionnement est dicté par la sauvegarde de quelques intérêts personnels, claniques ou partisans, ils se confondent alors avec les politiciens souvent décriés. Ils se fondent dans la nasse et perdent définitivement leur statut d’êtres «supérieurs» : ils reviennent à leur état de simples citoyens mauritaniens exprimant des opinions qui peuvent – et doivent souvent – être remises en cause.

Pour ceux qui ne la savent dans ce pays où tout ce qui est bien est passé sous silence : quand les deux associations ont publié un communiqué de soutien au parti au pouvoir (UPR), le journal de 20 heures de TVM a couvert l’évènement, mais s’est abstenue de le publier dans ses autres journaux parce que la commission d’évaluation mise en place par TVM et dont la mission était justement d’éviter les dérives, cette commission a jugé indécent de couvrir une manifestation qui portait préjudice à une classe d’érudits qui auraient dû se préserver pour la Nation entière et non pour une partie de cette Nation. Malgré les pressions, la direction de TVM et sa commission ont tenu. D’où la guerre aux médias que cette partie de notre élite vient de déclarer.

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