Avant d’être
le «11 septembre 2001», le jour où l’Amérique
a tremblé, il était le «11 septembre 1973»,
le jour où le Chili s’est effondré et avec lui l’espoir de milliers, de
millions, de centaines de millions d’individus croyant à l’égalité dans les
rapports citoyens, à la justice dans l’exercice de la vie de tous les jours, à
l’équité dans la redistribution des biens communs…
Dans le
film «Il pleut sur Santiago» (Costa
Gavras), on ne peut oublier ses appels venant de Valparaiso où une manœuvre navale
américano-chilienne se déroulait depuis la veille. Plus tard on saura que l’appui
logistique – peut-être en hommes et en renseignements – de la flotte américaine
a été nécessaire aux unités rebelles qui ont pris d’assaut le palais de la
Moneda, le palais présidentiel où Salvador Allende avait trouvé refuge et où il
est mort les armes à la main.
On peut
affirmer aujourd’hui que l’opération a été suivie en directe depuis le bureau
de Henry Kissinger, le secrétaire d’Etat de l’époque du Président Richard Nixon.
Devant la
déferlante des unités armées insoumises, ce sont d’abord le Président Allende
et ses compagnons qui tiennent tête avant d’être rejoint par des milliers de
jeunes volontaires. Il refuse l’offre d’exil ou d’être pris par ses ennemis. On
a longtemps soutenu qu’il se serait suicidé après avoir compris qu’il n’y avait
rien à tenter. Peut-être. Mais des témoignages de survivants confirment son
assassinat par les agresseurs du Palais présidentiel. Son dernier message à la
Nation est transmis par Radio Magallanes qui est la dernière à émettre.
«Ils vont sûrement faire taire
Radio Magallanes et vous ne pourrez plus entendre le son de ma voix. Peu
importe, vous continuerez à m’écouter, je serai toujours près de vous, vous
aurez au moins le souvenir d’un homme digne qui fut loyal avec la patrie. Le
peuple doit se défendre et non pas se sacrifier, il ne doit pas se laisser
exterminer et humilier. Allez de l’avant, sachant que bientôt s’ouvriront de
grandes avenues où passera l’homme libre pour construire une société meilleure.
Vive le Chili ! Vive le peuple ! Vive les travailleurs ! Ce sont mes dernières
paroles, j’ai la certitude que le sacrifice ne sera pas vain et qu’au moins ce
sera une punition morale pour la lâcheté et la trahison.»
Des milliers de Chiliens meurent ce jour-là dans le stade de Santiago
sous les balles d’une armada qui avait pour mission de faire taire à jamais les
voix des révolutionnaires. Son épouse qui assista à son enterrement expéditif
le lendemain de son assassinat, dira, en jetant des fleurs sur son cercueil :
«Que l’on sache qu’ici repose le
président constitutionnel du Chili.» La voix était assez forte, le geste
assez courageux pour être à jamais retenus.
On saura plus tard que le
renversement puis l’assassinat de Salvador Allende était le début d’un plan «Condor» (du nom de ce rapace des Andes)
et dont le but était de renverser toutes les démocraties d’Amérique Latine. La CIA
qui avait initié le plan mettait en œuvre la plus grande opération d’extermination
des gauchistes de tous temps. La nuit s’installa pour longtemps. Guérillas,
guerres civiles, assassinats politiques, génocides… Aujourd’hui encore, le Chili, l’Argentine,
le Brésil, le Nicaragua, le Mexique, le Guatemala, le Pérou, le Venezuela… tous
ces pays, tous ces peuples pansent encore les plaies béantes de l’époque.
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