Tous
les mots sont à chercher pour trouver l’expression qu’il faut pour résumer la
décision du Président de la République de limoger cinq de ses ministres et de
promouvoir quelques-uns d’autres.
Ce
remaniement arrive à un moment où l’attention générale est captée par les
conciliabules autour de la participation aux prochaines élections législatives
et municipales. La Coordination de l’Opposition Démocratique (COD) prenant tout
son temps pour annoncer sa décision de boycotter ou de participer. La presse
parlant de plus en plus de report de l’échéance, de dialogue entre la COD et le
Pouvoir, de constitution de gouvernement d’union nationale, d’ouverture de la
CENI, de mise en place d’un Observatoire des élections… chacun y allant de sa
lecture des évènements qui n’ont parfois pas eu lieu.
Première
lecture donc : pas de gouvernement d’union, ni de gouvernement élargi. Est-ce
qu’il faut en conclure qu’il n’y aura pas de report des élections ?
certainement quand on sait que tout report risque de compromettre leur tenue en
2013, alors qu’en 2014 nous avons déjà l’élection présidentielle et on ne voit
pas les acteurs politiques accepter de coupler les deux élections.
Le
remaniement arrive à un moment où la situation de l’assainissement de la ville
de Nouakchott est décriée par tous. C’est, aux yeux de certains ce qui explique
le limogeage de Mohamed Lemine Ould Abboye du poste de ministre de l’hydraulique
et de l’assainissement. Le ministre des pêches aurait été limogé pour ses contreperformances
dans le dossier de l’Accord de pêche UE-Mauritanie. Aghdhavna Ould Eyih serait
allé parfois contre la position des négociateurs mauritaniens, offrant aux
Européens des arguments pour asseoir leur position. Le ministre de la Justice
paierait pour les dernières mesures mal mises en œuvre (libérations sous
cautions de détenus ayant été arrêtés en dehors des règles définies par la loi),
mais aussi pour ses interférences avérées dans le cours de la Justice, ses conflits
avec les Magistrats et les avocats, son incapacité à impulser la réforme tant
attendue, son népotisme… Pour descendre un ministre, les raisons ne manqueront
pas. Mais pour en choisir ?
En
terme de valeur intrinsèque – cursus, stature, expérience, compétence – on peut
dire que le gouvernement de Ould Mohamed Laghdaf a largement gagné : les
entrants sont beaucoup plus outillés que les sortants. Si l’on excepte au
ministère du Pétrole et de l’énergie où Taleb Ould Abdi Val a été plutôt un
excellent manager alliant compétence et modernité. Son remplaçant, Mohamed Ould
Khouna vient du département de la formation et des nouvelles technologies. On ne
peut pas dire qu’il a brillé là où il était, se contentant plutôt de gérer un
département qui devait pourtant être la locomotive de la modernisation de l’administration
et de la formation technique. Le fait d’être un ancien cadre de la SNIM aurait
pu l’amener à l’hydraulique où l’on a envoyé Mohamed Salem Ould Bechir qui, lui
a fait ses preuves à la SOMELEC, société qu’il a trouvée à genoux et qu’il a
réussi à relever en moins de quatre ans. Son expérience dans le domaine de l’énergie
pouvait servir justement au ministère du pétrole et de l’énergie. Surtout que l’un
des principaux axes du développement du secteur repose sur l’exploitation des
énergies renouvelables. C’est ce genre «d’erreur
de casting» qui a fait qu’on a utilisé Hammadi Ould Hammadi aux affaires
étrangères, à la défense au lieu de la pêche où il a fait sa carrière et
secteur dans lequel il a tout appris. On se résout enfin à l’y envoyer à un
moment où le secteur sombre du fait de la mauvaise mise en œuvre de la
politique préconisée. Son remplaçant aux affaires étrangères, Ahmed Ould
Teguedi, est un diplomate formé pour cela et ayant servi comme ambassadeur,
notamment en Israël et dernièrement aux Etats-Unis. Est-ce que ce passage par
Israël que certains semblent mettre en avant, est-ce qu’il a pesé dans sa nomination ?
si la réponse est oui, c’est certainement un signe d’un recentrage diplomatique
qui ne peut vouloir dire le retour à la normalisation avec Israël. Si la
réponse est non, ce sera l’occasion de déchainement de passions feintes ou réelles
pour la question. L’occasion aussi de rappeler aux détracteurs que celui qui a
osé mettre fin à la relation avec Israël, c’est bien le Président actuel, pas
son prédécesseur qui avait pourtant bénéficié de la complicité de la plupart de
ceux qui contestent aujourd’hui.
La
grande inconnue du remaniement est cette Fatima Habib qui est titulaire d’un
doctorat de gynécologie et qui reste une énigme pour tous les observateurs qui
la découvrent.
Ce
qu’il faut souligner quant à l’éducation, c’est non seulement le départ de
Ahmed Ould Bahiya, mais la fin du «Ministère
d’Etat» qui coiffait les autres secteurs de l’éducation : éducation
fondamentale et secondaire. Désormais chaque ministère est autonome et Ould
Bahiya est remplacé par Isselkou Ould Ahmed Izidbih qui était jusque-là
Directeur de cabinet. L’ancien Recteur de l’université de Nouakchott connait
très bien le secteur et y apportera la touche qui lui manquait. Tout comme le
professeur Oumar Ould Maatalla qui souffrait tellement de la tutelle du
ministère d’Etat, tutelle qui l’empêchait d’entreprendre les réformes qu’il
faut. Aujourd’hui l’excuse a disparu.
Bâ
Ousmane hérite de l’enseignement fondamental et quitte le secrétariat général
du gouvernement qui revient à Malal Dia. Une permutation qui s’explique par les
compétences «politiques et sociales»
de Ba Ousmane qui aura à diriger un département où s’expriment toutes les
sensibilités et qui a besoin plus d’un expert en «mauritanités» que d’un expert dans l’éducation.
Mohamed
Ould Boilil s’en va battre campagne pour l’UPR, soit à Keur Macène où il avait
été élu en 2006 député RFD, soit à Nouakchott où il pressenti candidat au poste
de Président de la Communauté urbaine (CUN) pour l’UPR. Il est remplacé par
quelqu’un de la maison, Mohamed Ould Ahmed Rare, plusieurs fois Wali de région,
préfet de département…
L’ancien
Conseiller du Premier ministre Sidi Ould Zeine est nommé à la Justice. Cadre de
la BCM, grand spécialiste de l’économie mauritanienne, Ould Zeine est aussi un
grand politique pour le rôle qu’il joue sur le plan national. Homme d’ouverture,
il fait partie d’une élite qui a su dire non quand il le fallait, qui a dénoncé
les arbitraires de 1989, 90 et 91 et qui a accompagné la démocratisation sans
zèle destructeur. Homme de modernité, il pourra être, si telle est sa mission,
l’homme des grandes réformes de la Justice. Un secteur qui a besoin de
retrouver une quelconque dignité pour rétablir un lien de confiance avec les
citoyens.
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