On lui colle tous les noms là-bas, chez lui. On le
soupçonne de tous les maux. Mais on lui reconnait volontiers un sens de
l’engagement et de la prise de risque. Ce qui est extraordinaire pour un avocat
français comme Jacques Vergès. Du haut de ses 78 ans, Me Vergès aura dominé
tous ses protagonistes.
Ici, nous le regardons en héros. Celui qui a défendu la
révolution algérienne à travers Djamila Bouhared qu’il épouse après l’avoir
arrachée au sort qui l’attendait, est un anticolonialiste qui est de notre côté
et pas de celui de l’oppresseur dominant.
Quand il défend Carlos ou George Ibrahim Abdallan c’est
encore notre cause qu’il épouse. Et même quand il défend les criminels, nous le
percevons ici comme une tentative de narguer les puissants du monde, de
provoquer leur ire pour les amener à se remettre en cause.
Il est venu une fois en Mauritanie pour défendre Baba Ould
Sidi Abdalla. Il avait alors évoqué cette Sagesse islamique qui condamne deux
cadis sur trois à aller en Enfer.
Il est revenu aussi dans le cadre de l’affaire du
trafiquant franco-togolais Eric Walter Amegan qui a fini par sortir de prison.
Il intriguait à plus d’un titre. Cela lui faisait plaisir, réellement plaisir.
Il m’avait paru à l’époque un homme studieux, à l’écoute,
assagi par tant d’années de combats. Il n’était pas extraordinairement
chaleureux. Il donnait l’impression de prendre plaisir à se faire courtiser et
croyait qu’il intéressait chacun.
Quand le fils d’un ami, à peine âgé de 12 ans lui demande
où il était pendant ses années d’absence, son plaisir est énorme comme s’il
disait : «Voyez-vous, même un enfant connait ça et cherche à percer le
mystère».
La mort de Jacques Vergès reste un évènement pour les
générations qu’il a marquées, pour les histoires auxquelles il a été mêlé, pour
les répliques qui vont passer à la postérité, pour ses engagements cinglants,
souvent courageux, parfois justes.
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