C’est
au détour d’une conversation que je découvre Mokhtar Ould Bouna… «El Mokhtar»,
s’empresse-t-il d’ajouter pour éviter l’équivoque. Avant de décliner son
identité complète et son parcours.
«Je
suis né en 1941…» Et d’ajouter «officiellement». Pour expliquer
qu’il est né «effectivement ‘aam enneysâne», 1936 selon lui. A Legrâne
en Assaba. Il a passé son brevet en 1959 pour faire une formation d’enseignant.
Mais il finit rédacteur dans le journal national en 1961. Avant de faire
Rédacteur d’administration générale en 1963. Son premier poste est Atar où il
remplace un officier français d’administration. Il s’agit pour lui de gérer l’armement
et une partie de la logistique de la base. Il n’y tarde pas.
Après
quelques semaines, il est rappelé à Nouakchott pour remplacer feu Abdel Wahab
Ould Cheiguer à la tête du bureau d’études et de documentation du ministère de
l’intérieur. Quand son prédécesseur lui explique la nature de son travail –
revue de presse et traduction des discours et documents officiels
essentiellement -, il rétorque : «Je
ne peux pas faire ce travail, surtout la partie traduction». On le dispense
de la traduction et il accepte de rester le temps de trouver quelqu’un de plus
apte. Ce sera Touradou Kamara.
Mokhtar
est nommé «secrétaire confidentiel»,
ce qu’il traduit par «emine sirr»
pour souligner la confiance qu’on place en lui. Quand est créé le centre de
formation de l’administration (ancêtre de l’ENA) en 1964, il y va en stage. Pour
six mois. Il revient à son poste de secrétaire confidentiel du ministre de l’intérieur.
En 1966, après les évènements ethniques de février, il est envoyé comme
secrétaire général de la Mairie de Kaédi. Pas pour longtemps parce qu’il est
appelé par Ahmed Ould Mohamed Salah quand celui-ci est nommé à la Permanence du
PPM (parti du peuple mauritanien). Il devient un peu le chef du secrétariat du
Parti. Il est, à partir de 1967, envoyé dans plusieurs postes de commandement
dont Aïoun, Bassiknou, Maghama…
En
1981, les autorités militaires décident de libérer l’administration de son «ancien élément». Cette «épuration» devait se faire en deux
vagues. Il faisait partie de cette deuxième vague dont certains éléments sont
récupérés par les organisations patronales naissantes. Lui et quelques autres
sont recrutés par feu Sidi Mohamed Ould Abbass dans la fédération de commerce. Pour
deux ans, parce qu’il fait partie d’un groupe qui est rappelé par l’administration.
Le sens de l’utilité publique et du devoir l’oblige à accepter de quitter la
planque privée pour retrouver son siège dans le public.
En
1986, le pouvoir décide de lancer la première expérience des Mairies dans les
capitales régionales. A Kiffa s’affrontent deux listes dont l’une est soutenue
par le ministre de l’intérieur de l’époque. Lui, Mokhtar Ould Bouna el Mokhtar,
choisit le camp adverse, celui de ses cousins. Il s’investit corps et âme pour
faire battre le candidat du ministre. Mal lui en a pris.
Sous
prétexte d’avoir abandonné son poste, et sans préavis ni avertissement, le
ministère décide de le considérer comme «démissionnaire»,
de le licencier sans droits. Il vit depuis dans le sud, après avoir été un
intrépide voyageur se déplaçant au gré de son désir.
Il
parle toujours le Français de l’administration, celui qu’on a perdu aujourd’hui.
Il est toujours prêt à relater les passages les plus marquants de son expérience.
Il récite encore quelques célèbres textes dont la lettre adressée par Mohmedhen
Baba Ould Med dit Fall Baba à un ministre quelconque de la République. Cette lettre
aurait été publiée dans un journal de l’année 1963 alors que l’intéressé venait
de finir un brillant cursus scolaire et que l’un de ses anciens collègues, peu
outillé pour un poste de responsabilité, venait d’être nommé ministre. Mais parce
qu’elle est toujours d’actualité, je vous la propose en lecture :
«Monsieur le M.
J’ai l’honneur de mettre à votre
disposition ma bonne volonté et une réelle vocation de travailler dans votre
branche.
Je suis obligé de vous adresser
cette correspondance sachant que j’ai peu de chance d’être pressenti pour de
tels emplois à défaut de remplir la plupart des conditions nécessaires :
- Je n’ai jamais
commis cette hérésie politique dont les ténors ont été récupérés à l’aide
d’un poste de choix ;
- Je n’ai jamais
milité de façon excessive au sein d’un parti même au pouvoir ;
- Je n’ai pas ce
coefficient tribal qui constitue une entrée triomphale aux arènes
politiques et administratives ;
- Maa bouya had
u laa khuya
Mais Monsieur le M., j’ai un atout
que doivent m’envier tous vos sapeurs sérieux : je termine avec succès le
cycle secondaire, j’ai servi honnêtement l’administration de mon pays pendant
huit ans et je sais qu’ayant été votre collègue, je peux à présent devenir au
moins votre collaborateur».
…Mokhtar
peut parler à longueur de journée des archives qu’il a eu le temps parfois de
mémoriser, et dont il se rappelle le moindre détail.
S’il
vous arrive de passer à Bababé, arrêtez-vous le temps de lui parler… vous ne
regretterez pas de l’entendre.
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