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dimanche 7 juillet 2013

Rencontre fortuite

C’est au détour d’une conversation que je découvre Mokhtar Ould Bouna… «El Mokhtar», s’empresse-t-il d’ajouter pour éviter l’équivoque. Avant de décliner son identité complète et son parcours.
«Je suis né en 1941…» Et d’ajouter «officiellement». Pour expliquer qu’il est né «effectivement ‘aam enneysâne», 1936 selon lui. A Legrâne en Assaba. Il a passé son brevet en 1959 pour faire une formation d’enseignant. Mais il finit rédacteur dans le journal national en 1961. Avant de faire Rédacteur d’administration générale en 1963. Son premier poste est Atar où il remplace un officier français d’administration. Il s’agit pour lui de gérer l’armement et une partie de la logistique de la base. Il n’y tarde pas.
Après quelques semaines, il est rappelé à Nouakchott pour remplacer feu Abdel Wahab Ould Cheiguer à la tête du bureau d’études et de documentation du ministère de l’intérieur. Quand son prédécesseur lui explique la nature de son travail – revue de presse et traduction des discours et documents officiels essentiellement -, il rétorque : «Je ne peux pas faire ce travail, surtout la partie traduction». On le dispense de la traduction et il accepte de rester le temps de trouver quelqu’un de plus apte. Ce sera Touradou Kamara.
Mokhtar est nommé «secrétaire confidentiel», ce qu’il traduit par «emine sirr» pour souligner la confiance qu’on place en lui. Quand est créé le centre de formation de l’administration (ancêtre de l’ENA) en 1964, il y va en stage. Pour six mois. Il revient à son poste de secrétaire confidentiel du ministre de l’intérieur. En 1966, après les évènements ethniques de février, il est envoyé comme secrétaire général de la Mairie de Kaédi. Pas pour longtemps parce qu’il est appelé par Ahmed Ould Mohamed Salah quand celui-ci est nommé à la Permanence du PPM (parti du peuple mauritanien). Il devient un peu le chef du secrétariat du Parti. Il est, à partir de 1967, envoyé dans plusieurs postes de commandement dont Aïoun, Bassiknou, Maghama…
En 1981, les autorités militaires décident de libérer l’administration de son «ancien élément». Cette «épuration» devait se faire en deux vagues. Il faisait partie de cette deuxième vague dont certains éléments sont récupérés par les organisations patronales naissantes. Lui et quelques autres sont recrutés par feu Sidi Mohamed Ould Abbass dans la fédération de commerce. Pour deux ans, parce qu’il fait partie d’un groupe qui est rappelé par l’administration. Le sens de l’utilité publique et du devoir l’oblige à accepter de quitter la planque privée pour retrouver son siège dans le public.
En 1986, le pouvoir décide de lancer la première expérience des Mairies dans les capitales régionales. A Kiffa s’affrontent deux listes dont l’une est soutenue par le ministre de l’intérieur de l’époque. Lui, Mokhtar Ould Bouna el Mokhtar, choisit le camp adverse, celui de ses cousins. Il s’investit corps et âme pour faire battre le candidat du ministre. Mal lui en a pris.
Sous prétexte d’avoir abandonné son poste, et sans préavis ni avertissement, le ministère décide de le considérer comme «démissionnaire», de le licencier sans droits. Il vit depuis dans le sud, après avoir été un intrépide voyageur se déplaçant au gré de son désir.
Il parle toujours le Français de l’administration, celui qu’on a perdu aujourd’hui. Il est toujours prêt à relater les passages les plus marquants de son expérience. Il récite encore quelques célèbres textes dont la lettre adressée par Mohmedhen Baba Ould Med dit Fall Baba à un ministre quelconque de la République. Cette lettre aurait été publiée dans un journal de l’année 1963 alors que l’intéressé venait de finir un brillant cursus scolaire et que l’un de ses anciens collègues, peu outillé pour un poste de responsabilité, venait d’être nommé ministre. Mais parce qu’elle est toujours d’actualité, je vous la propose en lecture :
«Monsieur le M.
J’ai l’honneur de mettre à votre disposition ma bonne volonté et une réelle vocation de travailler dans votre branche.
Je suis obligé de vous adresser cette correspondance sachant que j’ai peu de chance d’être pressenti pour de tels emplois à défaut de remplir la plupart des conditions nécessaires :
  1. Je n’ai jamais commis cette hérésie politique dont les ténors ont été récupérés à l’aide d’un poste de choix ;
  2. Je n’ai jamais milité de façon excessive au sein d’un parti même au pouvoir ;
  3. Je n’ai pas ce coefficient tribal qui constitue une entrée triomphale aux arènes politiques et administratives ;
  4. Maa bouya had u laa khuya

Mais Monsieur le M., j’ai un atout que doivent m’envier tous vos sapeurs sérieux : je termine avec succès le cycle secondaire, j’ai servi honnêtement l’administration de mon pays pendant huit ans et je sais qu’ayant été votre collègue, je peux à présent devenir au moins votre collaborateur».
…Mokhtar peut parler à longueur de journée des archives qu’il a eu le temps parfois de mémoriser, et dont il se rappelle le moindre détail.

S’il vous arrive de passer à Bababé, arrêtez-vous le temps de lui parler… vous ne regretterez pas de l’entendre.

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