Selon
un document révélé par la presse américaine puis par le journal Le Monde, Mokhtar Belmokhtar alias
Bela’war aurait été vertement sermonné par la direction centrale d’Al Qaeda au
Maghreb Islamique (AQMI) avant de rompre avec elle. La lettre, découverte dans
les décombres de Tombouctou après la fuite des Jihadistes, renseigne sur les
rapports plutôt mauvais entre AQMI et Bela’war.
Il
est reproché à Bela’war de ne pas entreprendre d’opérations «d’envergure». Et comme pour lever toute
équivoque, l’organisation qu’il crée après avoir quitté AQMI, «Les signataires par le sang» réussit la
plus grande prise d’otages qui finit par un massacre à In Amenas en Algérie.
C’est aussi elle qui (co)revendique, avec le MUJAO (mouvement pour l’unicité et
le Jihad en Afrique de l’Ouest) les opérations du Niger (Arlit et Agadez).
Les
14 membres de la Shoura – conseil dirigeant de l’organisation – auraient
qualifié la relation avec Bela’war de «blessure
saignante». Lui qui a des fois refusé de les prendre au téléphone ou de
rendre compte sur les activités administratives et financières qu’il menait au
nom de l’organisation. Lui qui a jugé «inutile»
l’une des réunions à Tombouctou, après l’occupation du Nord malien.
Selon
la traduction faite de la lettre par le quotidien français, le conseil
supérieur s’adressait à Bela’war en ces termes : «Pourquoi les différents émirs de la région n’ont des
problèmes qu’avec toi ? Toi, en particulier, à chaque fois ? Ont-ils tous tort,
et notre frère Khaled, raison ?», se demandent, un peu
ironiquement, les leaders d’AQMI. «Abou El Abbas ne
veut suivre personne. Il ne veut qu’être suivi et obéi.»
Selon toute vraisemblance, le différent ne relevait
pas forcément de nuances dans la vision ou de l’idéologie, mais il était
surtout question d’argent et de gestion du trésor de guerre. Dans le cas du
rapt du canadien Robert Fowler, Bela’war aurait négocié pour 700.000 euros et
sans attendre d’en référer à l’organisation-mère : «Plutôt que
de marcher côte à côte avec nous avec le plan que nous avons imaginé,
il a géré ce cas comme il l’a souhaité. Nous devons nous interroger, qui a
mal géré cet important enlèvement ? Est-ce la conséquence d’une attitude
unilatérale, comme celle de notre frère Abou El Abbas, qui a abouti à cette
insuffisance : échanger un dossier de poids (diplomates canadiens !) contre une
somme maigre (700 000 euros) !»
Autre reproche, le détournement de l’argent destiné
à l’achat des armes : «Nous
avons donné à Abou El Abbas un montant considérable d’argent
pour acheter du matériel militaire, malgré notre grand besoin
d’argent à ce moment-là. (…) Abou El Abbas n’a pas participé à l’effort d’achat
d’armes. Donc, quel comportement doit être qualifié de médiocre dans ce cas, je
me demande ?»
La direction du mouvement lui reproche en plus de
la mal-gouvernance, sa volonté de passer outre la hiérarchie pour entrer
directement en contact avec «le leadership central». On se souvient qu’à plusieurs reprises, le chef
Abdel Hamid Droudkal alias Abu Mus’ab Abdel Wedoud avait essayé d’imposer des
Emirs à Bela’war. Dernier en date, Nabil Makhloufi qui a essayé d’unifier toutes
les branches AQMI sous un même commandement. Il avait même mobilisé une armée
composée d’éléments de toutes les Katibas pour attaquer la Mauritanie : ce
fut la débâcle de Bassiknou au début de l’année 2011. Ce Nabil Makhloufi mourra
dans un accident de voiture.
La mauvaise relation va aboutir à la nomination de
Abul Hammam par Droudkal à la tête de l’Emirat du Sahara. La goutte qui fut
déborder le vase. Mokhtar Belmokhtar alias Abul Abbass, alias Bela’war décide de
créer son propre groupe «les signataires par le sang».
Sa mort fut annoncée par les
autorités tchadiennes. Mais démentie par les observateurs et les connaisseurs
de la région. On sait aujourd’hui que le chef jihadiste est bien vivant et qu’il
continue d’organiser et de lancer ses troupes contre ceux qu’il considère être
les ennemis de l’Islam et des Musulmans. On sait aussi que l’homme avait, dans
sa dernière interview (2012) avec nos confrères de Nouakchott-info, donné l’impression
du vieux guerrier, assagi par les épreuves, cherchant à négocier une trêve. Au moins
avec la Mauritanie. Est-ce pour se faire entendre qu’il intensifie ses attaques
contre son pays d’origine, l’Algérie et contre le Niger ?
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