La célébration de la journée internationale de la liberté de presse a pris
une nouvelle dynamique cette année avec une commémoration s’étalant sur une
semaine et impliquant toutes les associations et organisations de presse. Et il
faut dire qu’elles sont nombreuses…
C’est une manière pour le nouveau ministre de ne pas avoir à arbitrer les
profondes divergences qui minent ces regroupements et syndicats, de ne pas
prendre position et de ne pas voir s’imposer à lui une organisation plutôt qu’une
autre.
Oui, la Mauritanie a passé un cap important, celui de l’ancrage de la
liberté d’expression. «Excessive», commencent à dire les détracteurs de
la liberté et ceux du régime qui le rendent responsable de toutes les dérives
dans tous les domaines. Je crois d’ailleurs que l’un des objectifs non avoués
des excès de langage, excès qui ont mené à une généralisation de la culture du
faux, de l’approximation et de la diffamation, le but est bien de mobiliser
contre la liberté d’expression en mettant en exergue ce qu’elle occasionne de
mal.
Autre aspect de cette guerre «sournoise» visant à dénaturer et à
défigurer la démocratie en général, la liberté d’expression en particulier, c’est
la banalisation. Il s’agit de noyer le plus utile, le plus crédible, le plus
efficient dans une mare nauséabonde où se meuvent quelques bestioles mal
foutues, malfamés.
Une expérience lancée dans les années 90 avec El Bouchra, la Vérité et d’autres
titres dédiés à décrédibiliser l’existant qui s’était constitué autour d’Al
Bayane (plus tard Le Calame), Mauritanie-Nouvelle, Akhbar el Ousbou’, l’Eveil…
Cela a pris l’aspect d’une campagne de dénigrement contre la presse «qui
gène» (déjà). Toutes les attaques étaient permises, toutes les accusations,
les insultes… L’objectif étant de jeter l’opprobre et de salir. Dans un
deuxième temps, il fallait polluer l’espace médiatique en prenant la parole et
en exigeant «sa» part de légitimité.
Toutes ces entreprises ont finalement échoué malgré tous les moyens
financiers et matériels qui ont été mis à la disposition des agents chargés de
l’action de sape. Les années 2000 vont connaitre un recul du phénomène, les
autorités lui préférant finalement l’utilisation abusive de l’article 11
(censures et saisies) pour mettre au pas une presse fragilisée par un
désintérêt total de la part de l’opinion publique. Si bien que quand intervient
le coup d’Etat du 3 août 2005, la presse est le seul élément resté debout
devant la dictature. Quelques titres avaient pu résister aux multitudes vicissitudes
du processus démocratique d’alors.
Les avancées qui vont suivre, avec notamment la mise en place d’une
commission de réforme du secteur, n’étaient pas des demandes du personnel
politique. La commission, ses travaux (libéralisation, révision de la loi pour
permettre le passage à un régime de régulation, la création de la HAPA…) et la
mise en œuvre de ses conclusions ont été plus ou moins aboutis grâce à la
conjugaison des efforts de Sidi Mohamed Ould Boubacar, Premier ministre de l’époque
de la transition et des acteurs du secteur.
L’avènement du régime civil en mars 2007, surtout l’arrivée en son sein de
certains partis de l’ancienne opposition, va signifier quelques reculs
significatifs : fermeture de la «Radio citoyenne» qui était un
véritable espace de liberté et d’ouverture, arrêt de toutes les émissions de
débats sur TVM et Radio Mauritanie, gel de la loi sur la libéralisation de l’audiovisuel…
Puis vint la crise politique qui allait occulter pour un bon moment tout ce qui
concerne la presse et la liberté d’expression. A partir de 2009, le processus
de libéralisation devait reprendre. Avec toutes ces lois sur la libéralisation
de l’audiovisuel, la presse électronique, l’aide publique à la presse… et dont
la plus importante reste la dépénalisation du délit de presse.
Nous en sommes là quand survient cette célébration au cours de laquelle,
les efforts des uns et des autres pour donner une signification à cette fête en
la traduisant par le renouvellement de quelques revendications dont une réforme
de la HAPA pour en faire un organe constitutionnel composé de professionnels
(ou semi-professionnels), une révision de la commission chargée de l’aide
publique…
Une célébration que vous devez
avoir suivie sur les chaines de télévisions et radios nationales… vous n’avez
donc pas besoin qu’on vous dise que toutes les raisons d’être dégoûtés par la
presse étaient là. N’est-ce pas ce qui est recherché ?
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