La générosité des «amis du Mali» s’est finalement bien exprimée lors
de la réunion de Bruxelles (mercredi, 15 mai). Avec 3,5 milliards d’euros de
promesses de financements, le Mali a eu plus, beaucoup plus qu’il n’espérait
(il demandait 2,5).
Cette «générosité» ne se manifeste que quand nos pays ont atteint le
fonds. Pour le Mali, il a fallu la partition et une guerre qui n’est pas près
de finir pour apitoyer les donateurs, pour la plupart des Occidentaux. Comme si
le prix à payer pour susciter la solidarité internationale est d’abord celui de
la chute, de la déconfiture, de l’effondrement.
Oublions un moment comment le Mali en est arrivé là. Oublions la mauvaise gestion
de ses affaires par une classe politique ayant fait de la prédation et de la
corruption une méthode de gouvernement. Oublions l’incapacité du Mali, ou son
refus, à combattre les groupes terroristes et le crime organisé qui faisait
main basse sur son administration et sur une partie de son territoire. Oublions
la solitude du Mali et de son peuple quand il fallait prévenir ce qui devait
fatalement arriver. Oublions tout cela… pour ne pas croire qu’il s’agit là d’une
«prime à la casse».
Revenons à l’euphorie du moment, celle des présidents François Hollande et
Dioncounda Traoré. Qu’est-ce qui permet aux deux responsables de se réjouir ?
La manne ainsi miroitée est difficilement mobilisable, à cause des
conditions et de la bureaucratie (au Mali et chez les donateurs). D’ailleurs
lequel des gouvernements aura à concevoir les projets qui seront financés ?
Celui de la transition n’a pas vocation à lancer des projets de développement.
Sa mission doit être celle de reconquérir le Nord – ce que les Français ont
fait pour lui – et celle d’engager un processus politique qui devrait aboutir à
unifier toutes les forces politiques et à élire un nouveau président de la
République. C’est déjà trop pour un gouvernement qui souffre d’un déni de
légitimité.
Le gouvernement qui sortira des urnes après les élections de juillet
prochain, celui-là reste à envisager. Il relève aujourd’hui du domaine du virtuel.
En effet comment envisager une élection dans un pays dont une bonne partie de
la population vit dans l’exil ? dont une partie vit dans une insécurité
permanente ? dont la classe politique est absente de la conception et de
la mise en œuvre des solutions préconisées ?
Jusque-là, c’est de Paris que nous apprenons qu’il faut «absolument»
respecter l’échéance de juillet, que la population de Menaka (et des autres
villes du Nord) participera au scrutin, que l’administration malienne reviendra
avant l’échéance, que des accords politiques seront trouvés… La liste est
longue parce que tout ce qui se décide pour le Mali, est annoncé de Paris. Mais
il n’ya pas que ça.
Admettons que l’élection se passe dans les conditions optimales de
participation et de régularité, qu’est-ce qu’elle peut donner en terme de
qualité et de vision eu égard à la personnalité des candidats potentiels, ceux
qui peuvent gagner une élection ? Mais c’est la même classe qui a conduit
le Mali là où il est. La même incurie, les mêmes réflexes de prédateurs, la
même incompétence à faire face à tous les défis dont celui de refaire l’unité d’un
pays morcelé par la faute de ses enfants.
Je me souviens que quand la crise du Mali a atteint son paroxysme avec le
coup d’Etat et la partition du Nord, le pays battait campagne pour la
présidentielle. Lequel des candidats de l’époque s’est rendu dans le Nord pour
essayer d’inverser le processus ? lequel a proposé des solutions crédibles
pour les problèmes du Mali dont la question du Nord ? lequel a fait un
diagnostic réel de la situation ? lequel a mis en garde contre le danger
qui se précisait depuis longtemps ? lequel a essayé d’influer sur les
évènements pour permettre à son peuple de voir en lui «l’homme de la
situation» ?
Ce n’est pas par hasard si le capitaine mutin qui a pris le pouvoir par
accident, s’est comparé un moment à de Gaule, laissant entendre qu’il était «le
sauveur», le rédempteur d’une Nation dont les fils les plus indiqués –
politiques, artistes, intellectuels…- ont choisi de la laisser tomber.
Les candidats d’aujourd’hui, ceux parmi lesquels on devra choisir le
président de demain, sont les mêmes que ceux d’hier. Que peuvent-ils apporter
en terme de proposition pour un avenir plus serein, plus apaisé, plus unitaire,
plus juste, plus démocratique ?
Une question parmi une multitude.
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