Le
3 août 2005, quand le régime de Ould Taya s’écroule, il laisse derrière lui une
société émiettée, divisée et profondément meurtrie par les déchirements qu’on
lui a imposés. Des tribus à mille têtes, des logiques régionalistes rigides
dans leur confrontation et dangereuses dans leur développement. Mais, parce que
c’était l’aspecte le plus grave de cet émiettement, c’est la «rupture ethnique» qui a le plus accaparé
l’attention et les efforts.
La
course au pouvoir – j’aurai pu dire «la
soif du pouvoir» sans me sentir excessif – a aveuglé la classe politique
qui n’a pas compris que le départ de Ould Taya ne pouvait pas signifier la fin
d’un système dans l’édification duquel ont collaboré les plus brillants et les
militants de nos hommes politiques. Des hommes qui se retrouvaient, encore une
fois, aux postes de commande. A l’image de celui qui dirigea les services de
police 20 ans durant et qui se retrouvait à la tête de l’Etat. Qu’est-ce qu’il
fallait pour nous convaincre que le changement était encore à conquérir ?
qu’est-ce qu’il fallait pour amener nos hommes politiques à avoir un peu de
retenue et à chercher à imposer leur rythme (s’ils en ont) ?
Il
était écrit que nous traverserons la période de transition sans comprendre ce
qui nous arrivait. Vint le gouvernement civil issu d’une élection dont on
pouvait tout dire, même qu’elle était irrégulière, mais dont on dira qu’elle
était parfaitement honnête. Et parce que tout ça a été construit sur du faux,
parce que les hommes qui ont eu la possibilité de changer les donnes ont voulu
réinventer le système qui a conduit le pays là où il se trouvait, parce que les
hommes politiques ont une fois encore refusé de voir loin et d’agir vite, parce
qu’ils ont renoncé à compter sur leur capacité de concevoir un projet et d’y
faire adhérer les Mauritaniens…, nous nous sommes retrouvés en pleine crise d’existence.
Les
Chinois ont un mot pour désigner «crise»
et qui désigne aussi «opportunité». Ce
n’est pas le cas des Mauritaniens qui tournent sur eux-mêmes en refusant de
lever les yeux, d’apprécier la situation à sa juste valeur, d’imaginer une
route à prendre pour en sortir. L’échec de notre encadrement national ne s’arrêtera
pas là.
Voilà
qu’il est incapable de palier à l’émiettement de la société, de dénoncer les
réunions tribales, les bagarres tribales, les visions sectaires… Qui de la
majorité ou des oppositions – nous avons désormais trois pôles – a opposé la
moindre protestation ? Au contraire, nous avons vu élus et militants de
tous côtés assister à ces orgies tribales, participer à ces manifestations
sectaires… L’espace «particulariste»
est d’ailleurs devenu le seul espace de rencontre des protagonistes de la scène
politique mauritanienne.
La
presse a joué son «petit» rôle de
vecteur de divisions, de promoteur de discours racistes et fascisants. Il
suffit de voir qui sont les invités de tous les plateaux, à qui on donne (le
plus) la parole pour savoir que cela relève d’une conspiration nationale contre
l’Etat, contre ce qui nous unit, contre le rêve de Modernité qui a été – qui est
encore – la seule raison d’exister pour un pays né de l’arbitraire colonial…
Au
moment de l’indépendance, de nombreux cadres et notabilités ont refusé la
perspective d’indépendance en disant que cet ensemble n’était pas viable. Certains
ont appuyé les revendications de pays voisins, d’autres ont voulu refuser l’autorité
de l’Etat à l’intérieur.
Une
poignée seulement a cru au projet Mauritanie. Un pays dont les fondements
moraux devront être la mesure et l’équité, selon les préceptes dictés par un
Islam fait de tolérance et d’abnégation. Dont la vocation est d’être une terre
de rencontre entre ses deux versants, l’Arabe et l’Africain. Dont l’ambition
est d’unir une peuplade jusque-là éclatée en groupes ethniques, en émirats, en
tribus, en castes… de l’unir autour d’un idéal de liberté, d’égalité et de
justice.
Qui
s’en préoccupe aujourd’hui ?
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