Hier, à la conférence de presse organisée par le président du parti
ADIL, Yahya Ould Ahmed Waqf, les journalistes et les politiques n’étaient
visiblement pas contents. Les uns des autres.
L’ancien Premier ministre de Ould Cheikh Abdallahi, a insisté sur
la méconnaissance de son dossier par la presse qui s’abstient jusqu’à présent
de faire les investigations nécessaires pour en savoir plus. Pour certains
médias, on s’est contenté de relayer les rumeurs selon lui. La presse refusant
d’enquêter elle-même pour prouver qu’il s’agit d’une instrumentalisation… On
peut comprendre les reproches adressés à la presse par l’ancien Premier
ministre poursuivi dans le cadre de l’affaire du riz avarié vendu au CSA dans
le cadre du Programme spécial d’intervention (PSI) qui a fini par prendre l’allure
du fameux programme d’urgence qui avait coûté très cher à la Mauritanie sous
Ould Taya.
Moins compréhensible fut la «déception» exprimée par nombre
de mes confrères. Les uns ont dit leur surprise quant au sujet de la conférence
de presse : ils attendaient plutôt l’annonce d’un virage du parti ADIL qui
devait regagner soit la CAP (coalition des partis d’opposition ayant participé
au dialogue), soit la COD (coordination des partis rejetant le dialogue avec le
pouvoir et exigeant le départ du Président
Ould Abdel Aziz). Le reste importe peu pour eux.
D’autres ont été déçus par les propos sur l’existence d’une liberté
d’expression totale en Mauritanie. Il n’y a pas lieu selon eux de pavoiser
parce qu’au fond, la situation n’a guère changé.
Dans les relations qui doivent exister entre l’homme (ou la femme) politique
et le (ou la) journaliste, il y a un grand risque : celui de voir le
premier chercher à inféoder le second qui, à son tour, commencerait à jouer le
rôle du premier. Si un équilibre n’est pas trouvé par le politique dans sa
quête légitime d’un médium qui pourra transmettre son message, et par le
journaliste dans sa vocation de «fouineur» dérangeant, si cet équilibre n’est
pas trouvé, de nombreux amalgames seront faits.
Surtout que nous sommes dans un pays où la lutte de classement est
très forte. C’est elle qui détermine le positionnement de chacun de nous. Et
chacun de nous est obnubilé par la place et le rôle qu’il doit jouer, sans pour
autant savoir exactement lequel. Le «touche-à-tout» est le «’alimou
koulli vannin» des temps modernes.
Quand vous suivez l’émission du Ramadan qui rassemble médecins et
Erudits religieux, vous êtes inévitablement surpris par les réponses qui
indiquent une inversion des rôles. C’est ainsi que le médecin fait des fatwas,
l’Erudit propose des ordonnances.
Cette inversion des rôles créent des
concurrences mal placées entre des gens qui ont plutôt vocation à s’entendre et
à se soutenir. Comme elle ajoute à la confusion générale. Nous sommes dans une
société où l’urgence est de savoir qui est qui et qui fait quoi.
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