Cheikh
Sidi Abdallah, le présentateur vedette de TVM, l’intellectuel aussi, recevait
hier soir Mohamed Mahmoud Ould Wedady dans son émission «Espace culturel».
Une première partie sans doute d’une longue série car la vie de l’homme semble
raconter le long cheminement d’une Mauritanie qui a – trop vite – changé.
L’ancien
journaliste se raconte comme un récit. Avec humilité et précision. Il part d’une
Mauritanie, lui l’enfant unique d’une noble famille du Tagant, de la
prestigieuse tribu Kounta, pour se retrouver sur le chemin de l’exode… ce n’était
pas cet exode que provoque la peur ou la misère. Mais celui que provoque la
faim de savoir. La soif des savoirs. De ceux de l’époque : les sciences
religieuses, la langue Arabe, la philosophie à travers la rhétorique…
En
1957, il arrive à Boutilimitt, la première «ville» qu’il voit et dans
laquelle il va vivre et étudier. Il raconte son voyage, notamment son passage
chez Lemhaba Ould Taleb Imigine, un grand érudit de l’époque, une des lumières
de l’espace saharien dont la tombe est aujourd’hui vénérée dans le cimetière de
N’Dar (Saint-Louis du Sénégal).
Au
gré des compagnies les moins attendues, Ould Wedady accompagné de son cousin
vient dans la cité qui prend déjà l’allure d’un centre culturel moderne. Avec son
Institut des sciences religieuses, le premier établissement de Mauritanie à
dispenser un enseignement en Arabe.
Il
nous informe qu’il n’y avait pas que des Mauritaniens. D’ailleurs, quand on l’installe
dans le carré des siens, il refuse. «Nous cherchions l’ouverture, un autre
monde. C’est pourquoi nous avons préféré aller habiter dans l’espace commun à
tous les étudiants». La cantine, les enseignants qui restent d’illustres
noms comme les Addoud, les Cheikh Sidiya, les Daddah… et bien sûr celui qui le
marquera le plus, Mokhtar Ould Hamidoune, le Ibn Khaldoune de notre espace.
Mais
c’est quand il raconte le voyage à Dakar par Rosso et Saint-Louis, que Ould
Wedady se permet d’aller au-delà du témoignage, au-delà du récit descriptif
pour nous expliquer comment, avec la simple introduction d’un concours
supervisé par un Français d’origine afghane, le savoir est devenu une source de
revenu.
Nous
sommes à la fin des années 50 et pour trouver le moyen d’insérer les centaines
d’érudits sortants des Mahadras et en même temps moderniser l’enseignement dans
la colonie, l’administration avait fait venir un inspecteur de la langue Arabe
du nom de Akkary. Il décide de l’organisation d’un examen qui fait passer une
sorte de capacité (ou habilitation) à l’enseignement dans les écoles modernes. Les
sujets sont souvent des textes de la Nahda, cette époque de renaissance culturelle
arabe du 19ème siècle en marge de laquelle la Mauritanie s’est
tranquillement tenue.
Ould
Wedady explique comment les générations de l’époque avaient dû récupérer le
retard grâce notamment aux écrits et surtout au contact avec les syro-libanais
vivant dans la colonie du Sénégal. Il n’est pas le seul à nous rappeler que le
premier contact avec l’origine fut celui établi avec la diaspora du Sham (Syriens,
Libanais, Palestiniens…).
Le
futur journaliste avait déjà une grande soif de l’Autre. Ce qui le prédispose à
l’ouverture d’esprit qui lui permet de ne pas souffrir l’exil et l’inadaptation.
Ce qui lui donne cet air de pureté qui n’est que l’expression d’un intérieur
foncièrement généreux et bon. Cet air qui a auréolé les plus de 50 ans de notre
univers et qu’on appelait «el waqaar», une sorte de prestance qui est
mélange de dignité et d’humilité. Un air qui disparait aujourd’hui que les
parcours sont plus compromettant, plus salissant. L’ancien ministre de l’information
est passé par le chemin le plus droit pour aller de la tradition, avec ses profonds
ancrages, à la modernité, avec ses grandes ouvertures.
Il est tellement rare de voir des hommes pareils en
ces temps nauséabonds que ce passage ne pouvait être ignoré. Dont acte.
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