lundi 29 octobre 2012

Faute de communication


Quand en 1989, le gouvernement de Ould Taya refusait de communiquer ou de laisser communiquer sur les évènements avec le Sénégal, il condamnait le pays à paraitre comme le méchant du contentieux. Tout le monde l’avait dit, lui-même l’avait reconnu. On croyait qu’avec lui finissait cette époque où la rigidité de la personne et son renfermement déteignait sur la conduite des autorités. L’ouverture médiatique sans précédent enclenchée en 2005 devait convaincre les premiers décideurs de l’utilité d’une communication utile et efficace. Rien ne semble acquis.
On doit certes se féliciter de la rapidité avec laquelle les autorités ont donné l’information sur l’accident du Président, même si les imprécisions devaient participer à semer la confusion. Se féliciter surtout de la sortie du Président lui-même avant de prendre l’avion pour Paris. Mais depuis ?
On a cumulé maladresses et insouciance. Quand on sort une photo du Président en pyjama, en compagnie du ministre de la défense en visite à Percy, on prend beaucoup de risques. Quand, une semaine après les évènements, on décide de sortir la version du tireur malheureux, on ajoute à l’interrogation. Quand on publie, sans l’image ou le son, un message du Président à son peuple, on renforce le doute…
En la matière, l’amateurisme n’a pas sa place. Il peut même être contreproductif donc dangereux. Qu’est-ce qui est en jeu ? C’est la santé du Président de la République. Ce n’est pas celle du citoyen lambda. C’est celle de celui qui a été élu par 53% de Mauritaniens pour assurer la stabilité du pays, la justice pour les citoyens, l’application de la loi, la prospérité pour tous, la démocratie, l’égalité… je cite en vrac pour dire l’ampleur de la mission de l’homme dont on ne sait absolument rien aujourd’hui. Du moins officiellement.
Quand les autorités ont communiqué l’autre soir sur les évènements, il y a eu une version officielle, plus ou moins crédible mais tout à fait proche du réel. Cela a fait cesser momentanément les rumeurs. Alors pourquoi ne pas communiquer aujourd’hui ?
Etant à Paris, je crois savoir que le Président s’est rendu, après sa sortie de Percy, dans une maison de la campagne, «hors de Paris» en tout cas. Là, il vit une convalescence entouré de ses proches, sans contact avec les Mauritaniens de France. Mais en liaison permanente avec le pays dont il suit les affaires comme s’il était en voyage. Qu’y a-t-il diable à cacher en cela ? Rien sinon qu’on veuille, pour une raison ou une autre, entretenir les rumeurs les plus folles. Quel intérêt ? Aucun, si ce n’est de cultiver une culture de doute et de décrédibilisation de tout ce qui est officiel.
Le droit de savoir et le devoir de communiquer, deux notions qui doivent être remises à jour chez nous. Deux notions qui sont aussi le fondement de la démocratie, même si elles n’ont jamais semblé préoccuper la plupart d’entre nos acteurs.
On sent l’inquiétude chez chaque Mauritanien. L’inquiétude fonde le doute qui est en lui-même un drame que notre espèce peut vivre en termes de violentes déchirures. Ce n’est pas de la philosophie, c’est la condition humaine qui fait qu’on n’aime pas l’incertain, qu’on est sceptique quand on sent qu’on nous cache quelque chose et qu’on perd la foi quand on est à ce stade-là.
Demain le Président rentrera ou après-demain… Restera pour nous le goût amer d’avoir été floués : nous ne savons rien aujourd’hui (de précis) de l’homme qui a promis d’être «nouveau» et qui ne nous a jamais rien caché depuis qu’il est là.

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