Ce n’était pas un voyage d’agrément,
mais une mission que m’avait confiée Sy Mamadou président de notre
regroupement, le RPM. Un séminaire organisé par la Commission nationale des
Droits de l’Homme en association avec le RPM. A dire vrai, je n’avais pas idée
de ce que ce devait être parce que personne ne m’avais réellement édifié. Je savais
tout simplement que nous étions quatre du RPM à devoir faire le déplacement. Deux
d’entre nous, Mohamed Mahmoud Ould Ebilmaaly (ANI) et moi-même devions faire
les modérateurs, tandis que Haiba Ould Chaikh Sidati (alakhbar.info) et
Isselmou Ould Moustapha (Tahalil) devaient faire des présentations. Ould Ebilmaaly
ne viendra pas.
Je prends la voiture à 5 heures du matin
en compagnie d’un conseiller de la Commission et de deux journalistes de TVM,
heureusement qu’elle ne pouvait prendre plus de passagers. Le voyage, commencé
avec beaucoup d’enthousiasme, sera fatigant.
Plus on s’approche de Boutilimitt, plus
on sent l’hivernage. Mais il faut descendre sur l’Aftout, juste après
Boutilimitt, pour voir s’étaler le beau tapis vert. De quoi «se laver les yeux»
de toutes les poubelles de Nouakchott… Kendelek, cette grande mare qui est
devenue l’attraction des riverains et des touristes en mal d’espace, est
remplie d’eau. Elle déborde sur la route goudronnée. A droite un marché de
bétail improvisé depuis quelques années. A gauche, la mare et ses touristes
insouciants. On imagine, à notre passage, le plaisir que l’on peut avoir à
paresser sous l’ombre des acacias au bord des eaux stagnantes en attendant un
méchoui savamment préparé.
Notre halte, ce sera à Bir el Barka, une
sorte d’aire de repos où le service est de qualité et où la convivialité des
habitants relève du sens de l’hospitalité traditionnelle. Mon ami Abdallahi est
là après une longue «sortie» (kharja) avec les Du’aat, ces prédicateurs venus
des confins asiatiques pour «prêcher la bonne parole et rappeler la mission de
l’homme sur terre qui est celle de la dévotion». C’est comme ça que Abdallahi
explique quand on lui reproche de «perdre son temps» à prêcher en milieu
maraboutique largement islamisé. «Quand je les (les Pakistanais, ndlr) ai vus venir
au village, j’ai eu les larmes aux yeux. Tu sais ils viennent de loin pour nous
nous rappeler notre misère et nos faiblesses. Quand ils sont partis, j’ai
beaucoup hésité avant de me résoudre, malheureusement pour moi, à rester ici…»
Nous quittons Bir el Barka et décidons
de ne s’arrêter qu’à Kiffa. Mais le temps en a voulu autrement. A la sortie d’Ashram,
un vent se lève. La pluie n’est pas loin. Il faut passer Essiyassa avant les
torrents d’eau que la montagne d’Akraraay déverse sur la plaine de cet Aftout. Nous
y arrivons même si la pluie commence à tomber avant d’entrer dans la bourgade
de Essiyassa.
On m’a raconté un jour, que ce nom d’Essiyassa
qui veut dire littéralement «la politique», lui a été donnée par un militant
qui avait décidé de tenir tête à l’autorité traditionnelle de l’Emir du Tagant.
Cet homme s’était retiré dans ce coin perdu et avait commencé à couper des
arbres pour d’une part déblayer un espace habitable, et d’autre part créer une
sorte de barrage en amassant les arbres coupés sur le chemin de l’eau. Et quand
on lui demandait ce qu’il faisait, il répondait inlassablement «hadhi Essiyassa»
(ça, c’est la politique). Quelques années pour avoir effectivement un barrage
et un village sur les lieux. Le village s’appellera donc Essiyassa, un peu en
hommage à ce combat. Vrais ou fausse, cette histoire est un peu le mythe
fondateur de ce village, aujourd’hui commune.
Une bonne pluie qui nous
retarde mais qui nous fait passer le temps. Quand on passe Essiyassa, il faut
faire vite pour passer El Ghayra, la passe de Diouk, celle de Kamour, toutes
pourraient être barrées à cause de l’eau. C’est ainsi que nous arrivons à Kiffa
sans s’en rendre vraiment compte. Tout est mouillé. On va dans un restaurant. Tout
y est vieux, les matelas et le mobilier n’ont pas été changés depuis le premier
investissement. Mais la sympathie des gens vous fait oublier le reste. Nous pouvons
repartir une heure après.
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