Comme
nombre d’entre vous, j’ai entendu la confrontation verbale – on ne peut pas
appeler cela un débat – entre le Bâtonnier de l’Ordre National des Avocats
(ONA), Me Ahmed Salem Ould Bouhoubeyni et le président de la Haute Cour de
Justice, le député Sidi Mohamed Ould Maham (jeudi soir sur MFM). Comme nombre d’entre
vous, j’ai déploré que des confrères du Barreau et du niveau de ceux-là, en
arrivent là.
Comme
nombre d’entre vous, j’ai craint qu’au sortir de l’émission les intéressés ne
passent à l’action, l’un agressant l’autre. En fait, il ne leur restait que ça.
J’ai oublié que les querelles de chez nous sont plus une sorte de faire-valoir
qui se concrétise rarement. Heureusement d’ailleurs.
Comme
tous les politiciens, les deux confrères sont sortis plutôt en bons termes. Nous
est resté quant à nous toute la charge affective et émotionnelle qu’ils ont
réussi à exciter en nous. N’est-ce pas ce qui est recherché ?
Quand
je vois les députés de l’Assemblée nationale s’interpeller violemment, ou les
leaders politiques s’invectiver sans retenue, je guette toujours le moment où
ils redeviendront eux-mêmes et où ils traiteront sans véritable animosité, loin
des regards. C’est à ce moment-là – un moment qui finit toujours par arriver –
que je me dis que tout ça n’est pas sérieux. Que l’objectif unique est de nous
faire monter l’adrénaline, à nous grand public, d’exciter en nous le capital de
violence et donc de faire exploser les derniers ressorts de calme. Chacun de
nous réagissant suivant ses relents les plus dominants (suivant le
positionnement politique, la passion pour l’engagement qu’on a, l’appartenance
ethnique ou tribale, les affinités sociales ou historiques…).
Une
manière de plus de nous embrigader pour nous mener sur des champs de bataille
qui ne sont pas forcément les nôtres. Parce que les «haines» affichées – exprimées
parfois – sont feintes. Et si elles existent, elles ont toujours des raisons
inavouables (et inavouées). Des raisons qui ne peuvent concerner que l’individu
lui-même et pour lesquelles il est prêt – tôt ou tard – à marchander. C’est
pourquoi nos protagonistes se ménagent toujours une marge de manœuvre pour se
reprendre le moment venu. Cela fait partie des caractères cultivés dans notre
société…
«Le
président de la Haute Cour de Justice a refusé d’être ce qu’il devait être. Le Bâtonnier
a aussi refusé d’être ce qu’il est». C’est, pour résumer, le bon commentaire d’un
de mes confrères qui a eu la patience d’écouter jusqu’au bout le face-à-face de
l’autre jour.