J’ai
entendu, il y a quelques mois, un leader politique soutenir que le pire des
régimes de notre histoire est l’actuel. Je n’avais pas pu m’empêcher de réagir.
Pour rappeler que tout ce que la Mauritanie a souffert de pillages de ses
ressources, de remises en cause de ses fondements, de sape de son économie, de
corruptions morales et matérielles, de blessures, de fractures, d’injustices et
d’arbitraires quotidiens… tout est fruit d’une gouvernance que certains
débutent en 1978, que d’autres limitent à 1980 ou 1984. C’est selon l’interlocuteur.
Mais que tous confondent avec le régime militaire qui s’est approprié le pays
jusqu’en 2005, date à laquelle le premier vrai changement a été espéré et même
mis en œuvre pour un temps donné.
J’ai
toujours cru que la bataille en Mauritanie est celle qui oppose ceux qui ont à cœur
de réhabiliter un système et une méthode de gouvernement, et ceux qui espèrent
tourner définitivement la page de ce système et de cette méthode. Si les
derniers ne coordonnent pas et ne se retrouvent pas dans le même camp, les
premiers travaillent de connivence et tiennent compte des positionnements. Refuser
de trafiquer l’Histoire et de réhabiliter une page sombre de notre destin, c’est
l’objectif que doivent se fixer ceux qui croient que la Mauritanie a trop
souffert l’impunité et l’irresponsabilité de ses élites. Il ne faut rien
laisser passer…
Cette
semaine encore, l’une des figures de proue de la politique actuelle, soutenait :
«J’étais ministre avec Ould Taya, parce qu’il y avait un Etat de droit, parce
que les Institutions républicaines étaient respectées, parce qu’il y avait une
justice sociale…» En substance devant des milliers de militants venus l’écouter.
Un autre ancien haut cadre (et actuel figure de premier plan) soutenait : «Vous
avez là les meilleurs ministres des anciennes époques, les meilleurs
présidents, les meilleurs intellectuels, les meilleurs administrateurs…» Un
troisième, arrivé à la politique par les affaires (l’un menant facilement à l’autre),
martelait : «Il n’y a jamais eu autant de gabegie, autant de détournements…»
Pour quelqu’un qui a participé à l’effondrement du système bancaire, au pillage
des ressources halieutiques, au gaspillage des ressources destinées au
développement agricole…, les propos ne peuvent laisser indifférents.
Quand
Ould Taya prend le pouvoir en décembre 1984, il hérite d’une Mauritanie
exsangue, avec plus de 7000 de prisonniers et d’exilés forcés, mais d’une
Mauritanie fortement décidée à tourner la page.
21
ans après, c’est d’une Mauritanie plus meurtrie que celle de 1984 qu’il laisse
à ses successeurs. En plus du sac économique et moral, le pouvoir a travaillé
sur l’atomisation sociale. Affrontements ethniques, tribaux, oppositions sur la
base régionaliste… tout fut mis à contribution pour assurer la pérennité du
pouvoir par l’instrumentalisation des différences et l’exacerbation des
divergences.
Ce fut une entreprise savamment orchestrée par des
cadres bien formés, très intelligents et sachant parfaitement ce qu’ils
voulaient : perpétuer le système de prédation par l’affaiblissement des
structures de l’Etat. Des cadres identifiés et identifiables. Regardons autour
de nous et écoutons la cacophonie. Discernons leurs voix, reconnaissons leurs silhouettes…
le combat pour le changement commence par l’isolement de ces virus.
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