L’exposition
des produits mauritaniens continue dans le hall de la Bourse de Paris. Elle
n’attire pas beaucoup de monde. Pour nous, c’est un problème de communication.
Pour ceux qui l’hébergent, c’est la fête de la Toussaint et ses vacances, la
paresse des Parisiens…
Tous
les officiels venus de Nouakchott sont là. A eux s’est ajouté, le
vice-président du Sénat, Mohamed el Hacen Ould Haj de passage à Paris.
Suffisant pour délier les langues : «le Président Ould Abdel Aziz va
visiter l’exposition…» On rabat les troupes. Même à Paris, l’effet du téléphone
arabe est extraordinaire. Mais c’est surtout de Nouakchott que les appels sont
les plus pressants.
Je
reste sur les lieux, le temps de me faire servir un plat de couscous cuisinée
par une famille de compatriotes vivant en France et profitant de l’expo pour
proposer ses services.
J’apprends
que le ministre du commerce a signé un accord avec la Chambre de commerce de
Paris à Caen. J’apprends aussi la manifestation d’intérêt de quelques gros
investisseurs, y compris dans le domaine des pêches.
Tout
le monde est finalement content de la manifestation. Le ministre promet
l’élaboration d’un document critique pour éviter les erreurs actuelles au
futur. Et là je pense à une particularité bien de chez nous : nous donnons
toujours l’impression d’avoir à faire les choses pour la première fois. On ne
capitalise pas les expériences du passé et on se lance toujours comme si
c’était la première fois. En tout.
Pas
besoin de chercher loin, toute entreprise que nous lançons, nous voulons bien
faire croire qu’elle est la première du genre, même si on va dire que nous
sommes à tel nombre d’éditions. C’est le goût de l’improvisation et la tendance
à l’inorganisation. C’est maladif, mais regardez autour de vous.
Même
en politique, c’est ce que nous essayons de faire, toujours à vouloir reprendre
des élections, les organiser, les contester pour les voir réorganiser, les
organiser de nouveau… un cycle qui n’en finit pas de nous désespérer de la
démocratie et de nous-mêmes. La même chose pour les projets de développement,
pour les manifestations anodines…
J’ai
toujours pensé qu’il s’agit là de l’une des nombreuses conséquences de notre
rapport au temps. Ce rapport qui nous refuse d’avoir une vision progressiste et
historique du temps. Nous refusons de regarder derrière nous pour faire la
somme de ce que nous avons fait et nous projeter vers un avenir quelconque.
Non, on tourne en rond. Toujours obligés de reprendre là où l’on a commencé la
première fois.
La révolution à notre niveau, c’est d’abord celle de
la reconquête du temps, de la correction de sa perception chez nous. Elle n’est
pas pour demain.
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