samedi 27 octobre 2012

Le Président ne viendra pas


L’exposition des produits mauritaniens continue dans le hall de la Bourse de Paris. Elle n’attire pas beaucoup de monde. Pour nous, c’est un problème de communication. Pour ceux qui l’hébergent, c’est la fête de la Toussaint et ses vacances, la paresse des Parisiens…
Tous les officiels venus de Nouakchott sont là. A eux s’est ajouté, le vice-président du Sénat, Mohamed el Hacen Ould Haj de passage à Paris. Suffisant pour délier les langues : «le Président Ould Abdel Aziz va visiter l’exposition…» On rabat les troupes. Même à Paris, l’effet du téléphone arabe est extraordinaire. Mais c’est surtout de Nouakchott que les appels sont les plus pressants.
Je reste sur les lieux, le temps de me faire servir un plat de couscous cuisinée par une famille de compatriotes vivant en France et profitant de l’expo pour proposer ses services.
J’apprends que le ministre du commerce a signé un accord avec la Chambre de commerce de Paris à Caen. J’apprends aussi la manifestation d’intérêt de quelques gros investisseurs, y compris dans le domaine des pêches.
Tout le monde est finalement content de la manifestation. Le ministre promet l’élaboration d’un document critique pour éviter les erreurs actuelles au futur. Et là je pense à une particularité bien de chez nous : nous donnons toujours l’impression d’avoir à faire les choses pour la première fois. On ne capitalise pas les expériences du passé et on se lance toujours comme si c’était la première fois. En tout.
Pas besoin de chercher loin, toute entreprise que nous lançons, nous voulons bien faire croire qu’elle est la première du genre, même si on va dire que nous sommes à tel nombre d’éditions. C’est le goût de l’improvisation et la tendance à l’inorganisation. C’est maladif, mais regardez autour de vous.
Même en politique, c’est ce que nous essayons de faire, toujours à vouloir reprendre des élections, les organiser, les contester pour les voir réorganiser, les organiser de nouveau… un cycle qui n’en finit pas de nous désespérer de la démocratie et de nous-mêmes. La même chose pour les projets de développement, pour les manifestations anodines…
J’ai toujours pensé qu’il s’agit là de l’une des nombreuses conséquences de notre rapport au temps. Ce rapport qui nous refuse d’avoir une vision progressiste et historique du temps. Nous refusons de regarder derrière nous pour faire la somme de ce que nous avons fait et nous projeter vers un avenir quelconque. Non, on tourne en rond. Toujours obligés de reprendre là où l’on a commencé la première fois.
La révolution à notre niveau, c’est d’abord celle de la reconquête du temps, de la correction de sa perception chez nous. Elle n’est pas pour demain. 

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