Chaque fois que je prends la route Nouakchott-Boutilimitt, je suis écœuré
par le nombre de postes de contrôle : au moins huit, c’est-à-dire un en
moyenne tous les 20 kilomètres (à peu près, restons Mauritaniens, restons
approximatifs). Police, gendarmerie, douane et maintenant la sécurité routière.
A quoi ça sert ?
D’abord à créer des goulots d’étranglement sur une route déjà «étranglée».
Ensuite à exciter des usagers déjà excités. Enfin à corrompre des corps
largement entamés.
C’est quoi un poste de contrôle de chez nous ? C’est un point de
collecte d’impôts plus ou moins illégaux levés par des commissariats, des
brigades, des compagnies etc. Ici, les usagers, du moins les imposables parmi
eux, sont obligés de s’arrêter et de «rendre service», de «graisser la barbe»
pour utiliser l’expression consacrée.
Les «imposables» sont d’abord ceux qui font le transport et qui prennent du
plaisir à afficher leur mépris à ces postes. Ce mépris prend différentes
formes. Il y a ceux qui interpellent les agents de loin en leur disant «je fais
le nécessaire au retour, meherdak». Il y a ceux qui arrivent avec une surcharge
et en ayant passé outre toutes les réglementations, qui s’arrêtent
convenablement, qui descendent avec un billet bien en vue et qui reviennent
avec le sourire comme pour dire que la cause a été entendue. Il y a ceux qui
forcent gentiment le barrage, ce sont les habitués, ceux qui sont passés au
moins une fois ce jour-là. Il y a ceux qui attendent calmement derrière leurs
volants, l’arrivée de l’agent et qui «lui font ce qu’ils lui font» devant tous
les passagers, sans forme. Cinq minutes en observant un poste de contrôle et
vous serez édifiés.
Les véhicules personnels qui inspirent le pouvoir ou la richesse ne sont
pas imposables, ils passent sans problème. Verres fumés ou pas, infraction ou
pas, surcharge ou pas… circulez, il n’y a rien à voir. Quelqu’un dans la
voiture ne s’empêchant pas de dire : «ils
vous laissent passer parce que vous pourrez constituer pour eux une perte de
temps et d’occasions». Ce sont les autres qui sont les plus recherchés,
parce qu’ils sont plus exposés.
Reste que les véhicules sont surchargés, qu’ils ne répondent à aucune
norme, qu’ils mettent en danger les passagers et les passants. Reste que les
usagers finissent par ne plus avoir de respect pour l’autorité, par être un peu
plus excités qu’ils ne l’étaient avant de prendre la route, un peu moins
respectueux de l’ordre et du code. Quand un accident survient dans cet
environnement, il ne peut qu’être meurtrier.
En trois mois cette année, il y a eu 1.622 accidents avec un bilan
désastreux : 43 morts immédiats, 531 blessés dont de graves. Selon les
autorités, 49% de ces accidents sont dus au «manque de vigilance» (de qui ?), 30% à l’excès de vitesse, 13%
à de mauvais réflexes sans oublier les pannes mécaniques. Ce sont les chiffres
officiels d’il ya trois semaines.
On se souvient que l’année dernière, le Président a dû lui-même exhorter
les autorités concernées (transport, police, gendarmerie, sécurité routière…) à
prendre conscience de l’ampleur du désastre et d’agir afin de limiter les
dégâts. Qu’est-ce qui a été fait depuis ?
Une campagne médiatique qui a duré le temps de faire oublier les
injonctions du Président, avant de revenir à la situation normale qui est celle
de voir multiplier les postes de contrôles tout en assistant à une augmentation
fulgurante des accidents.
Ces postes de contrôle ne servent à rien, sinon à diluer les efforts, à
donner une mauvaise image de l’autorité publique et à participer à la
détérioration des conditions générales du voyage.
Si l’on vous dit que jamais,
de l’histoire récente du pays, un suspect n’a été arrêté par un poste de
contrôle, que rarement – très rarement – ces postes ont appréhendé des colis
suspects, qu’ils émettent très, très peu d’amendes pour les infractions
pourtant nombreuses et visibles…, vous n’allez pas croire qu’ils ne servent à
rien. Sinon à compliquer une situation déjà compliquée.
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