mercredi 4 juillet 2012

«El maalu shaqiqu ennafsi»


C’est l’une de ces histoires qui servent à stigmatiser les éleveurs confrontés à la sécheresse et qui voient leurs cheptels décimés, les bêtes mourir l’une après l’autre, et qui sont dans l’incapacité de «faire quelque chose».
On raconte ces jours-ci que l’un d’eux s’est rendu en ville après un long séjour auprès de ses bêtes affamées. Il voulait voir le préfet pour avoir des rations de plus, certainement le responsable du CSA, le boutiquier ches lequel il s’approvisionne d’habitude, le cousin influent pour le faire intervenir, la famille qu’il n’a pas vue depuis deux mois… bref faire beaucoup de choses et revenir au plus vite auprès de ses bêtes. D’abord allez chez le coiffeur. Il sentait ses cheveux pousser exagérément et il fallait au plus vite «discipliner sa tête».
Il entre chez le coiffeur et lui : «écoute, coupe-moi la tête en attendant que je revienne, je dois impérativement voir le préfet»…
Ici, une digression s’impose à moi. «Couper la tête» est la traduction directe de «agta’ erraaç» chez les Hassanophones, «tajowo hooré» chez les Pulaarophones… cela me rappelle une enseigne des années 70 au marché de la capitale : sur la devanture de son lieu de travail, un coiffeur guinéen avait écrit : «Ici, Diallo coupeur de tête».
Revenons à notre éleveur qui demande à son coiffeur de lui «couper la tête» en attendant qu’il revienne. Les accès de folie sont faciles. Ce sont des moments de déstabilisation mentale qui font dire – ou adopter – une attitude anormale. On n’a pas besoin de violence forcément pour être dans cet état psychique d’incohérence dans les actes et les propos.
Je crois que la perte de ce qu’on a de plus cher est l’une des causes principales de ces moments, on va dire d’incohérence. Cela peut être des amis, des frères et sœurs, des compagnons de voyage… mais cela est souvent un bien matériel, un statut, un privilège, une rente, un poste… quelque chose qui pèse dans votre vie à telle enseigne que vous vous confondez à lui. En le perdant c’est un peu si vous vous perdiez vous-mêmes…
Les incohérences de notre monde d’aujourd’hui ne sont-elles pas liées à la perte de quelque chose pour les uns et pour les autres ?  

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