Le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) a fini
par se rendre à l’évidence et par reconnaitre qu’il n’est pas le maître
des lieux dans le Nord malien. Des semaines après le retrait des troupes
régulières maliennes et sa déclaration précipitée d’indépendance, il signe avec
l’organisation salafiste jihadiste d’Ançar Eddine, celle que dirige Iyad ag
Ghali, un chef traditionnel Ifoghas, prédicateur et intermédiaire pour l’Etat
malien dans les prises d’otages d’occidentaux.
Ce samedi, le MNLA et Ançar Eddine ont signé un accord donnant
naissance à une République Islamique de l’Azawad. Le mouvement fondamentaliste
réussit ainsi à imposer aux «laïcs» du MNLA, le projet d’un Etat où la loi
islamique sera appliquée.
On voit déjà ce que cela donne dans le Nord malien, avec notamment
les interdictions qui se suivent : de vendre ou de boire l’alcool, de
fumer les cigarettes, de sortir en couple la nuit, pour les femmes de sortir
non accompagnées, de se découvrir, de porter les tenues traditionnelles qui
laissent entrevoir des parties du corps… Pas de quoi pavoiser. Les écoles sont
fermées, les dispensaires aussi, les commerces… les salariés ne sont pas payés,
le service public ne fonctionne pas, la sécurité n’est pas là… Les milliers de
citoyens maliens, toutes ethnies confondues, abandonnés par leur Etat et qui
ont choisi de rester chez eux et de résister souffrent aujourd’hui l’expérimentation
d’un Etat fasciste, soi-disant islamique, un Etat qui ne leur apporte qu’une
misère de plus : le diktat de la foi. Avec tout ce qui va avec de
privations, d’arbitraires, d’horreurs au quotidien…
L’accord signé entre les deux organisations touarègues – MNLA et
Ançar Eddine – prévoit la création d’un conseil provisoire de la Shura qui sera
dirigé par Iyad Ag Ghali et dont les deux tiers seront composés de son
organisation, le tiers restant revenant au MNLA. Pas question d’engagement sur
la question de la présence de «combattants étrangers» sur le sol de la «jeune
République», ceux de AQMI ou du MUJAO que Ançar Eddine traite comme des «frères
réduits à l’exil par des Etats scélérats aux ordres des ennemis de l’Islamique».
Le nouvel Etat est donc né sur la base d’une volonté belliqueuse
envers ses voisins, voire envers le monde. Que faut-il faire ?
Pour la Mauritanie, la situation est porteuse de sérieuses menaces,
l’essentiel des combattants des organisations jihadistes venant de notre pays
et affichant des ambitions d’y imposer ses lois un jour. La menace est d’autant
plus forte que l’aigreur des discours politiques pourrait l’inspirer et la
justifier. L’attaque de Lemghayti en juin 2005 a eu comme justification première,
la solidarité avec les «pauvres frères, esseulés, subissant la répression
aveugle d’un régime à la solde de l’étranger».
Notre pays se doit de redoubler les efforts en matière de sécurisation
des frontières, de vigilance, de renseignements, de préparation, tout en s’abstenant
cependant de s’attaquer de front aux organisations terroristes qui ont
désormais des adresses connues.
Le front intérieur doit être renforcé au plus vite. Cela demande
une forte prise de conscience des différents acteurs, Pouvoir et Opposition. En
ces heures lourdes de menaces, il est demandé à chacun de faire une concession
sur soi, de lâcher un peu de son amour-propre. Depuis les dangers qui ont
accompagné sa naissance en 1960, la Mauritanie n’a jamais été aussi mise en
danger par une menace venant de l’extérieur.
En 1960, tout était à créer : l’Armée, l’Administration, la
conscience de soi, celle de l’indépendance, l’unité du pays… La volonté de
quelques hommes a permis d’imposer la réalité du pays à son environnement, puis
au monde. Elle a su insuffler la foi aux premiers bâtisseurs de la jeune
République. Le fruit de l’effort commun, ce fut la République Islamique de
Mauritanie jouant pleinement son rôle de terre de convergence, de paix et de
fraternité. L’humilité fut la qualité première de cette Mauritanie-là.
Nous avons aujourd’hui une Armée qui a fait sa mue depuis quelques
trois ans, qui est devenue un rempart sécurisant après avoir été longtemps
atteinte par la gangrène généralisée du corps social et politique. Nous avons l’expérience
de cet Etat qui est désormais le nôtre depuis la mauritanisation de son
administration au début des années 60. Nous n’avons rien d’autre que cet Etat. Nous
le savons et nous devons être prêts à tout donner pour le préserver et le
sécuriser.
Un peu d’humilité conduira les uns et les autres à se
dire qu’il existe des moments où le sens de la responsabilité doit être
supérieur au reste. Ce moment est venu.
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