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jeudi 10 mai 2012

Le meilleur n’est pas dans le passé


J’ai entendu, il y a quelques mois, un leader politique soutenir que le pire des régimes de notre histoire est l’actuel. Je n’avais pas pu m’empêcher de réagir. Pour rappeler que tout ce que la Mauritanie a souffert de pillages de ses ressources, de remises en cause de ses fondements, de sape de son économie, de corruptions morales et matérielles, de blessures, de fractures, d’injustices et d’arbitraires quotidiens… tout est fruit d’une gouvernance que certains débutent en 1978, que d’autres limitent à 1980 ou 1984. C’est selon l’interlocuteur. Mais que tous confondent avec le régime militaire qui s’est approprié le pays jusqu’en 2005, date à laquelle le premier vrai changement a été espéré et même mis en œuvre pour un temps donné.
J’ai toujours cru que la bataille en Mauritanie est celle qui oppose ceux qui ont à cœur de réhabiliter un système et une méthode de gouvernement, et ceux qui espèrent tourner définitivement la page de ce système et de cette méthode. Si les derniers ne coordonnent pas et ne se retrouvent pas dans le même camp, les premiers travaillent de connivence et tiennent compte des positionnements. Refuser de trafiquer l’Histoire et de réhabiliter une page sombre de notre destin, c’est l’objectif que doivent se fixer ceux qui croient que la Mauritanie a trop souffert l’impunité et l’irresponsabilité de ses élites. Il ne faut rien laisser passer…
Cette semaine encore, l’une des figures de proue de la politique actuelle, soutenait : «J’étais ministre avec Ould Taya, parce qu’il y avait un Etat de droit, parce que les Institutions républicaines étaient respectées, parce qu’il y avait une justice sociale…» En substance devant des milliers de militants venus l’écouter. Un autre ancien haut cadre (et actuel figure de premier plan) soutenait : «Vous avez là les meilleurs ministres des anciennes époques, les meilleurs présidents, les meilleurs intellectuels, les meilleurs administrateurs…» Un troisième, arrivé à la politique par les affaires (l’un menant facilement à l’autre), martelait : «Il n’y a jamais eu autant de gabegie, autant de détournements…» Pour quelqu’un qui a participé à l’effondrement du système bancaire, au pillage des ressources halieutiques, au gaspillage des ressources destinées au développement agricole…, les propos ne peuvent laisser indifférents.
Quand Ould Taya prend le pouvoir en décembre 1984, il hérite d’une Mauritanie exsangue, avec plus de 7000 de prisonniers et d’exilés forcés, mais d’une Mauritanie fortement décidée à tourner la page.
21 ans après, c’est d’une Mauritanie plus meurtrie que celle de 1984 qu’il laisse à ses successeurs. En plus du sac économique et moral, le pouvoir a travaillé sur l’atomisation sociale. Affrontements ethniques, tribaux, oppositions sur la base régionaliste… tout fut mis à contribution pour assurer la pérennité du pouvoir par l’instrumentalisation des différences et l’exacerbation des divergences.
Ce fut une entreprise savamment orchestrée par des cadres bien formés, très intelligents et sachant parfaitement ce qu’ils voulaient : perpétuer le système de prédation par l’affaiblissement des structures de l’Etat. Des cadres identifiés et identifiables. Regardons autour de nous et écoutons la cacophonie. Discernons leurs voix, reconnaissons leurs silhouettes… le combat pour le changement commence par l’isolement de ces virus.

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