A-t-on besoin de le rappeler : Maalouma
Mint Meydah sait extraire ce qu’il de mieux dans notre patrimoine pour
l’envelopper dans ce qu’il y a de mieux chez les autres pour nous le rendre dans
la meilleure des formes. Le pari de Maalouma est largement gagné avec son
nouvel album Knou.
Le titre Knou est évocateur parce
qu’il est une reprise d’un morceau d’anthologie de la musique traditionnelle
Bithâne. Il s’agit d’un rythme qui se caractérise par la douceur qui exige une
grande grâce pour les danseuses – parce qu’il s’agit d’une danse réservée plus
ou moins aux femmes. Quand on regarde les femmes évoluer sur scène, on pense
facilement aux chancèlements d’un oiseau
blessé, aux déhanchements d’une belle et grasse autruche sur le point de tomber
entre les mains du chasseur qui l’a juste blessée sans la tuer… le temps pour
elle de faire quelques pas de plus… au rythme d’un effort immense qui est rendu
par la mélancolie de la musique qui instruit aussi sur le destin tragique et
inévitable de l’oiseau… tout est dit dans le rythme et dans les mots qui ne
veulent rien dire d’extraordinaire sauf qu’ils riment et qu’ils taisent plus qu’ils
ne disent… «laaja likhriiv/n’udaana//nizegnen kiiv/bouzinaana»… «yom,
yom…»…
C’est ici que Maalouma apporte sa
première note : les mots racontent désormais une histoire, celle d’un
ancien séducteur qui n’a plus que les souvenirs pour accompagner allègrement
une déchéance certaine…
Le style «singulier» de Maalouma
réside dans sa capacité à composer un rythme avant de lui trouver le texte qui
va avec. Le défi pour elle, c’est de trouver les mots qui remplissent
parfaitement le rythme sans prendre en compte la contrainte de la métrique
traditionnelle. C’est ce qui lui permet de faire l’unité du thème et de la
poésie. Et ce sont là les «petites» révolutions qui permettent à
Maalouma de lancer la «oughniya» mauritanienne qui allait faire des émules
en Mauritanie.
Celle à laquelle on s’en prenait pour
avoir apporté du neuf dans la musique, bouleversant l’ordre séculaire,
dépassant les tentatives timides de modernisation qui n’ont pas tenu devant les
remparts de la tradition, celle-là est devenue un modèle. Elle est passée du
statut de «griotte» à celui d’«artiste», pour sa capacité à
innover, sa détermination à imposer un style et à réhabiliter la créativité et
la création artistique.
Deuxième niveau de rénovation, le
message véhiculé par l’art sert désormais les valeurs humanistes pour dénoncer
les misères terrestres : l’injustice, l’arbitraire, la guerre, la famine,
les inégalités…
Pour revenir à Knou, rappelons
que ce rythme est si apprécié par les pratiquants et les connaisseurs de la
musique Bidhâne qu’il a été joué dans plusieurs modes avec des variations qui n’ont
en rien affecté le rythme fondamental. Certains
le jouent dans le Vaghu de la Jamba el Kahla (la Voie noire), dans le K-hâl de
la Jamba el baydha (Voie blanche), d’autres ont créé «knou el vayiz»
dans le Sayni-karr… chacun y allant de ses petites variations pour célébrer ce
rythme destiné à faire danser les plus belles femmes présentes. Car pour danser
Knou, il faut répondre à un minimum de conditions
physiques qui sont pour le rythme, déjà fantastique, une sorte d’ornements
supplémentaires…
L’un des chefs d’œuvres de l’album reste Gwoyredh, ce showr
«piqué» dans le répertoire de son père Mokhtar Ould Meidah, l’un des
plus grands maîtres de l’art traditionnel. Quelque chose qui révèle tout le
talent de Maalouma. Il y a quelques semaines, j’écrivais ici :
«D’abord l’Ârdine, avec un flux intense, sans
agressivité cependant, sans violence aussi… juste une série de sonorités qui
vous transpercent… doucement… pas lentement, mais doucement… qui vous
transportent… La voix de Maalouma arrive pour vous baigner dans l’univers du
plus romantique des poètes amoureux de l’espace Bidhâne, M’Hammad Wul Ahmed
Youra, le génie de tous les temps de cet espace…
«shmeshâna wu shga’adna/âana wunta hawn uhadna
yal ‘agl ‘la daar Inzdna/giblit sâhil wâd Hnayna…»
Pendant qu’on s’oublie dans la méditation de ce dialogue que le poète entreprend avec son âme ingrate parce que voulant quitter ces lieux sans se donner le temps de pleurer le bonheur ici vécu, sans se souvenir pour rendre aux lieux quelques bribes du bonheur d’antan, en signe de reconnaissance…
…«mâ vit âna wunta lathnayn/viddâr g’adna wu bkayna
wu tmathnayna viddâr ilayn/min haq iddâr tnajayna»
Comme pour venir en écho au poète Lamartine qui, lui, interpellait le temps qui passe :
«Eternité, néant, passé, sombres abîmes,
Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?
Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes
Que vous nous ravissez ?» (Le Lac)
On est perdu dans la comparaison des approches dans l’expression du bonheur perdu… en pensant que M’hammad a voulu faire de ce temps (qui n’est pas perdu pour lui), un espace qu’il vénère et pour lequel il exprime une profonde gratitude… Lamartine qui s’en prend à «ceux» qu’il croit responsables du vol de son bonheur…
Et dans tout ça, la voix douce et mélancolique de Maalouma… On suffoque sous l’emprise de la complainte quand, soudain sortent les sonorités de la tidinît de Mokhtar Wul Meydah, le père de Maalouma… Il joue sa célèbre partition «Gwoyridh»… «dent-daan-denna-det-denadenadenna-den…»
Une voix unique en son genre. Un jeu unique d’une tidinît unique… On plonge dans le passé… au sens de l’ancrage, du retour aux sources, de l’immersion dans l’Originel, de la restauration de l’Authentique, de la reprise du chemin perdu, celui de la création et de l’innovation…
Retour à Maalouma, à l’ârdîne et à la poésie de M’hammad… le moment de flottement qui devrait se comparer avec celui de l’ivresse… qui met les sens aux aguets… tous les sens… quand arrivent les voix d’un chœur chantant un rap des plus modernes… avec des mots qui célèbrent la vie et qui donnent espoir…
Silence. Méditations. On est encore sous les effets de cette magie qui associe ancien, moderne et postmoderne dans une harmonie parfaite…»
yal ‘agl ‘la daar Inzdna/giblit sâhil wâd Hnayna…»
Pendant qu’on s’oublie dans la méditation de ce dialogue que le poète entreprend avec son âme ingrate parce que voulant quitter ces lieux sans se donner le temps de pleurer le bonheur ici vécu, sans se souvenir pour rendre aux lieux quelques bribes du bonheur d’antan, en signe de reconnaissance…
…«mâ vit âna wunta lathnayn/viddâr g’adna wu bkayna
wu tmathnayna viddâr ilayn/min haq iddâr tnajayna»
Comme pour venir en écho au poète Lamartine qui, lui, interpellait le temps qui passe :
«Eternité, néant, passé, sombres abîmes,
Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?
Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes
Que vous nous ravissez ?» (Le Lac)
On est perdu dans la comparaison des approches dans l’expression du bonheur perdu… en pensant que M’hammad a voulu faire de ce temps (qui n’est pas perdu pour lui), un espace qu’il vénère et pour lequel il exprime une profonde gratitude… Lamartine qui s’en prend à «ceux» qu’il croit responsables du vol de son bonheur…
Et dans tout ça, la voix douce et mélancolique de Maalouma… On suffoque sous l’emprise de la complainte quand, soudain sortent les sonorités de la tidinît de Mokhtar Wul Meydah, le père de Maalouma… Il joue sa célèbre partition «Gwoyridh»… «dent-daan-denna-det-denadenadenna-den…»
Une voix unique en son genre. Un jeu unique d’une tidinît unique… On plonge dans le passé… au sens de l’ancrage, du retour aux sources, de l’immersion dans l’Originel, de la restauration de l’Authentique, de la reprise du chemin perdu, celui de la création et de l’innovation…
Retour à Maalouma, à l’ârdîne et à la poésie de M’hammad… le moment de flottement qui devrait se comparer avec celui de l’ivresse… qui met les sens aux aguets… tous les sens… quand arrivent les voix d’un chœur chantant un rap des plus modernes… avec des mots qui célèbrent la vie et qui donnent espoir…
Silence. Méditations. On est encore sous les effets de cette magie qui associe ancien, moderne et postmoderne dans une harmonie parfaite…»
Ici, Mokhtar Ould Meidah, Maalouma et Bankofa
ont marié tidinit, ârdine et rap… en une mélodie envoûtante, sans précédent. Avec
ce talent «singulier», c’est un talent «pluriel» que véhicule
tout l’album.
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