C’est par communiqué de l’Ambassade (représentation) de l’Union Européenne
que l’on apprend la teneur des pourparlers qui ont eu lieu aujourd’hui entre le
Premier ministre, Dr Moulaye Ould Mohamed Laghdaf et la délégation européenne
dirigée par l’Ambassadeur à Nouakchott entouré par les représentants des pays
de l’UE présents ici (France, Espagne, Allemagne et Royaume Uni). Cette réunion
entre dans le cadre des accords de Cotonou qui prévoient des mécanismes de suivi
de la coopération et de surveillance en même temps des évolutions en matière
politique, économique et social. Le moment choisi répond au souci de la partie
UE de célébrer «la semaine de l’Europe» en Mauritanie. On nous apprend
justement que cette célébration comprendra cette revue de coopération, «une
journée de la société civile et des autorités locales et une journée verte
dédiée aux questions environnementales».
Le communiqué nous relate le contenu des discussions suivant les
axes suivants :
- Au lendemain des élections
législatives et municipales et à quelques semaines de la présidentielle,
le volet politique a visiblement bénéficié de la plus grande attention. «Les
deux parties se sont félicitées du climat de stabilité et de croissance
économique qui règne dans le pays et ont échangé sur l’organisation des
prochaines élections présidentielles, en soulignant leur souhait d’avoir
des élections libres, transparentes et ouvertes à tous». Aucune
mention des fameuses «élections inclusives» qu’on utilisait en 2009
pour signifier l’exigence de la présence de toute l’opposition. Pas de
réserve particulière non plus sur les dernières élections ni sur la
future.
- La présentation par le Premier
ministre de la Feuille de route comportant les 29 points pour lesquels la
Mauritanie s’est engagée en vue d’éradiquer l’esclavage, a été l’occasion
pour la partie de saluer l’initiative et de réitérer «sa volonté
d’appuyer les autorités mauritaniennes et la société civile dans le
domaine des droits de l’homme». Non plus aucune réserve exprimée sur
ce plan.
- L’axe économique semble avoir été l’objet
d’une satisfaction totale : «L’Union Européenne a aussi salué les
progrès majeurs réalisés en matière de coopération et en termes
économiques, mettant l’accent sur la nécessité, dans la lutte contre la
pauvreté, d’une approche de redistribution qui bénéficiera, d’une façon
équitable, à toute la société mauritanienne».
- Au plan diplomatique, «l’Union
Européenne a également félicité la Mauritanie pour sa nomination à la
Présidence de l’Union africaine, et l’a remerciée pour son rôle qui a
contribué à la réussite du Sommet «Union européenne-Afrique»
qui s’est tenu en avril 2014».
- «L’Union Européenne a, en outre,
loué le rôle joué par la Mauritanie dans la lutte contre le terrorisme et
le crime organisé dans le Sahel ; et ses efforts pour la stabilité de
la région». S’engageant en plus de disponibilité dans l’approche
adoptée par le G5 du Sahel.
- Dernier point abordé, celui de l’Accord
de pêche qui est l’objet de discussions ouvertes cette semaine à
Bruxelles. «Les deux parties ont pris note du démarrage des
négociations pour renouveler l’actuel protocole, dans le cadre d’un
partenariat stratégique qui vise la création d’emplois et la préservation
des ressources halieutiques». Ce sont bien ces deux considérations qui
ont été à la base des dernières négociations qui ont permis enfin à la
Mauritanie de recouvrer une partie de ses droits, au moins de discuter d’égal
à égal et de faire accepter à ses partenaires le principe d’un «commerce
équitable». Les pressions exercées par les lobbies d’armateurs espagnols,
européens en général, et mauritaniens n’ont rien changé à l’Accord qui
donnait à la Mauritanie un minimum de profits d’une ressource qui a été
jusque-là l’objet d’un pillage organisé avec la complicité des
fonctionnaires et des opérateurs du secteur. Salué comme l’une des «grandes
réalisations» de l’ère Ould Abdel Aziz, le protocole ne peut être
révisé à la baisse, les Européens finissant par comprendre que les
pressions sur des pays faibles peuvent être source de déstabilisation. De nombreux
pays européens, la plupart des députés et des décideurs européens dont de
fervents militants de la cause de l’équité dans les échanges et pour le
développement durable : ce sera pour eux l’occasion de défendre les
positions mauritaniennes qui entendent faire profiter le pays tout en
préservant cette richesse formidable qu’est le produit de mer.
- En se quittant, «les deux parties ont
convenu de la nécessité de poursuivre les concertations, dans le but de
raffermir les relations entre la Mauritanie et l’Union européenne, et de
relever les défis dans un esprit de partenariat fructueux».
Ainsi donc, il faudra compter sans les pressions européennes pour
les détracteurs du pouvoir. Nous savons tous que l’élément «pression
extérieure» a toujours été central dans les analyses faites par les
opposants en Mauritanie. Il a même toujours primé sur la mobilisation populaire
et l’action intérieure. C’est d’ailleurs ce qui a fait le bonheur des pouvoirs
en 1992 (au lendemain de la présidentielle), toutes les années qui suivirent,
puis en 2008 et enfin en 2009. Chaque fois, l’opposition mauritanienne a
espéré, imaginé jusqu’à être sûr que l’intervention étrangère était sur le
point de faire basculer l’équilibre. Certains leaders n’hésitant pas à annoncer
des dates et à compter sur cela pour la chute imminente du pouvoir.
L’Union européenne est sans doute le partenaire le plus «lourd»
(financièrement, politiquement…) pour la Mauritanie. Par sa proximité
géographique, par les rapports historiques avec certains des pays la composant,
par le portefeuille de la coopération, sa diversité, sa nécessité, l’Europe est
l’ensemble le plus influent pour la Mauritanie.
La voilà heureusement qui lui reconnait quelques réussites : «le
climat de stabilité et de croissance économique», la Feuille de route
contre l’esclavage, «les progrès majeurs réalisés en matière de coopération
et en termes économiques», la diplomatie, la sécurisation de la région du
Sahel… De quoi renforcer la position d’un candidat qui ne manquera pas de
mettre le mandat prochain sous le signe du changement qui continue.
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