On peut ne pas faire attention à deux faits : l’Ambassadeur
du Royaume du Maroc en Mauritanie exerce ses fonctions à Nouakchott depuis près
de vingt ans ; pour sa part la Mauritanie n’a pas d’Ambassadeur à Rabat
depuis près de trois ans. A eux seuls ces deux faits peuvent attirer l’attention
sur l’existence d’un «refroidissement» dans les relations entre les deux
pays. Mais par ailleurs, les relations entre le Maroc et la Mauritanie
peuvent-elles être jugées à cette aune-là ? Certainement pas. Force est de
constater qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Quoi ?
Il y a une dizaine de jours, l’intérêt des journaux
marocains était capté par le déroulement des discussions du Conseil de Sécurité
des Nations-Unies sur le Sahara. Un projet de résolution porté par les
Américains a failli passer n’était l’effort titanesque fourni par la diplomatie
marocaine. Ce projet voulait élargir la mission de la force onusienne (MINURSO)
pour lui donner mandat de surveiller la situation des Droits de l’Homme dans la
province saharienne. Les Etats-Unis, allié de premier ordre du Royaume retireront finalement le projet, mais le rapport du Secrétaire général de l’ONU,
comportera quelques formules «dérangeantes» pour le Royaume.
Le sujet a occupé une bonne place dans la presse
pendant quelques jours. Les opposants au gouvernement l’utilisant pour dénigrer
la diplomatie du Royaume, les militants le prenant comme prétexte pour
renouveler l’aspect «inaliénable de l’intégrité du Maroc» et la
nécessité «d’unir les rangs autour de cette cause sacrée». Certains intervenants,
notamment ceux originaires de Saguia el Hamra, n’ont pas hésité à accuser la
Mauritanie plus ou moins directement d’être «devenue un allié de l’irrédentisme
sahraoui». L’un d’eux est parti jusqu’à dire qu’il ne reste plus que «quelques
milliers de personnes dans les camps du Polisario qui ont pu bénéficier du
nouvel état civil mauritanien, certainement avec la complicité des autorités
mauritaniennes». Dans toutes les déclarations et publications faites à l’occasion,
il y avait toujours cette question qui apparaissait à un moment ou un autre du
texte : «Le Maroc va-t-il perdre le Sahara comme il a perdu la
Mauritanie ?» Dans ce tumulte apparaissent les rôles catastrophiques d’une
diplomatie «de l’informel» qui fait qu’entre les deux pays, des
émissaires privés vont de part et d’autre colporter mauvaises informations et
analyses tronquées. Ceux-là ont plus d’influence de part et d’autre que les
diplomates des deux pays.
En discutant ici et là, on se rend compte de la
défiance de plus en plus grandissante entre les deux pays qui sont pourtant
condamnés à vivre dans le même sillage. Ni la Mauritanie ni le Maroc ne doivent
se résoudre à croire qu’ils peuvent prospérer l’un sans l’autre. L’un et l’autre
sont des versants (Sud quand il s’agit de la Mauritanie pour le Maroc, Nord du
Maroc pour la Mauritanie), des interfaces dont la complémentarité découle de l’Histoire
et de la géographie des deux Nations.
Toute analyse qui mène à adopter à une attitude de
défiance est préjudiciable à l’un et l’autre des pays. Pour la Mauritanie, l’existence
d’un Maroc dynamique et prospère a certainement un effet bénéfique pour l’économie,
pour le rôle sous-régional, pour les équilibres intérieurs… Pour le Maroc, la
stabilité de la Mauritanie est un gage de sécurisation et d’ouverture sur le
Sud. Elle est aussi un facteur de stabilité intérieure et d’épanouissement vers
l’Afrique de l’Ouest.
Nos frères
du Nord, Marocains comme Algériens, ont toujours oublié (ou fait semblant d’ignorer)
que toute solution de la question du Sahara passe par une forte implication de
la Mauritanie sans laquelle rien de pérenne ne sera fait dans la région. On peut
toujours continuer à isoler la Mauritanie, à croire à sa chute imminente, à se
convaincre que l’effondrement de ce pays peut mener à une résolution des
différents maghrébins, mais une vérité historique et sociologique résistera à
toutes les analyses : de part son positionnement géostratégique et humain,
toutes les clés de l’intégration maghrébine et africaine se trouvent en Mauritanie.
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