Ce
qui se passe en Egypte est grave : la crise institutionnelle ouverte par
le coup d’Etat militaire et le renversement du Président Mohamed Morsi tend à
prendre l’allure d’une guerre civile. Avec les pendants extérieurs de la
confrontation – chaque camp a ses supporters étrangers – les complications vont
accentuer les frustrations et rendre encore les protagonistes plus aigris et
plus radicaux. On peut toujours dire qu’à l’origine de la crise, il y avait
cette incapacité des Islamistes à anticiper en ouvrant et en rassurant la
société égyptienne sur leurs véritables intentions et sur leur aptitude à
apporter de vraies réponses aux problèmes posés par des décennies de dictature
et de pillages. Mais, à mon avis, la question syrienne et la position du
Président Mohamed Morsi sur la Syrie ont été pour beaucoup dans la
détérioration de son image et dans la mobilisation de la rue contre son pouvoir.
Lui qui a pris la parole publiquement pour annoncer la rupture des relations
diplomatiques avec le régime de Bachar Al Assad, alors que son pays entretient
des relations avec Israël…, lui l’islamiste…
Ce
qu’il faut craindre maintenant, c’est que la même «tempête» anti-Islamiste risque de tout emporter. Même si l’on sait
que la Tunisie n’est pas l’Egypte : avec son expérience et ses acquis en
matière de place de la femme, le niveau de la scolarisation, le parcours de la
Nahda qui a accepté très rapidement de faire les relectures lui permettant d’intégrer
la Modernité qui exige certaines valeurs dont le respect de l’autre et de son
avis. Ici le danger vient de la perception que se font les milieux dits laïcs
qui versent dans une démarche visant à diaboliser le parti de Rachid
Ghannouchi.
Le
processus est repris au Maroc où le gouvernement issu des dernières élections
et dirigé par un Islamiste bute contre la réalité du pouvoir et semble échouer
sur tous les fronts. La détérioration des relations au sein de la coalition
gouvernementale va fatalement mener vers uns dissolution de l’Assemblée et l’organisation
d’élections anticipées.
En
Mauritanie, Tawaçoul, le parti des Islamistes modérés est pris au piège de ses
alliances. Tributaire de la décision «consensuelle»
de la COD, il ne peut se permettre d’aller carrément vers la participation que
lui dictent ses intérêts stratégiques. Voilà l’occasion pour ce parti de savoir
son poids électoral exact, de pouvoir profiter de cette assise en accédant au
financement public des partis, de vérifier la justesse de son action et
éventuellement d’imposer au pouvoir de composer avec cette force qui n’a pas
encore eu l’occasion de concrétiser. Tout boycott de ce parti va fatalement
mener à une radicalisation des positions.
D’ailleurs,
c’est le risque pour tous les pays arabes où l’on assiste à une volonté de
marginaliser la mouvance islamistes. Imaginons ce que sera la réaction des
récalcitrants à la normalisation de l’action politique, tous ceux qui ont
choisi de déposer les armes, de faire les relectures invitant à une démarche
pacifique, de rentrer dans les rangs et de promouvoir le combat politique à
travers les urnes au lieu des bombes… Toute repression du courant donne raison
à ceux qui ont refusé de les écouter, ceux qui combattent encore dans les
maquis d’Algérie, dans les déserts du Mali, du Sinaï, de Libye, sur les côtes
de Somalie, dans les montagnes de Tunisie… tous ceux-là trouveront que leurs «frères avaient tort de croire à la
démocratie». N’est-ce pas grave pour tout le monde ?
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