Ce
fut le titre de l’un des éditoriaux de La Tribune commentant l’une des visites
du Président Ould Taya dans la Wilaya du Trarza. On voyait cadres et chefs
traditionnels, intermédiaires sociaux et acteurs politiques locaux, fuqaha et
shuyukh, figures emblématiques du communisme, du nationalisme et de l’islamisme,
tributaires perdant ce statut le temps d’une visite, maîtres ayant toujours les
mêmes réflexes… tout ce que la Wilaya comptait, on pourrait dire tout ce que le
pays comptait quand on sait que le tout Nouakchott a fait le déplacement… bref
tout le monde était là, affichant une ferveur hystérique, attendant le «toucher présidentiel», espérant une
quelconque rédemption pour le temps passé à se poser des questions sur la
nécessité ou non de soutenir les actions du Président et de les défendre.
Le
leurre était si évident qu’on devait fatalement se poser la question : qui
trompe qui ? D’une part cadres et populations qui s’émeuvent de tous les
mots et des gestes du Président, qui l’écoutent religieuse et qui attendent de
lui une onction qui pourrait leur garantir le bonheur ici-bas et le Paradis
dans l’Au-delà.
D’autre
part le Président qui donne l’impression de prendre plaisir et qui «octroie» sa bénédiction dans les formes
attendues. Est-ce qu’il croit réellement à toute cette ferveur ? Ou est-ce
qu’il joue le jeu ? Il se dit peut-être que ces «moutons» ne méritent que ce qui leur arrive : être obligés de
faire semblant d’embrasser la main qu’on n’a pu couper. Ces gens méritent bien
qu’on leur marche dessus.
Cela
me rappelle une histoire que je ne lasserai jamais de répéter.
Un
mangeur de tortue se promenant un jour particulièrement néfaste, tomba sur une
belle tortue. Heureux de cette chance, il s’empressa de la mettre sur sa tête
en la retournant. Quand une tortue se retourne, elle pisse fatalement. C’est
donc sur la tête du mangeur de tortue que la tortue pisse.
Quand
le mangeur de tortue a découvert sa proie, il a dit : «ah ! quelle chance ! une tortue
que je vais manger». La tortue quant à elle s’est écriée quand elle fut
installée sur la tête de l’homme : «ah !
quelle chance ! je vais encore pisser sur la tête d’un homme». Et chacun
de faire la fête selon son désir…
Allez
une autre ! Quand l’Emir tel ramenait le butin de ses expéditions contre
ses ennemis, il ne savait pas quoi en faire. L’un de ses cousins qui avait
jusque-là le respect qui se doit aux guerriers de son rang, lui proposa un jour :
«Ecoute, Emir, je vais te proposer un
marché : tu vas me confier le butin de la communauté pour le fructifier et
en user comme j’entends, en contrepartie je me propose à devenir le piédestal sur
lequel tu vas prendre ton bain hebdomadaire…» Quel plaisir que de se laver
sur le dos d’un cousin : jamais Emir n’a eu ce privilège qui sera le signe
du pouvoir absolu. Et depuis, la descendance a gardé «l’honneur» de recevoir les saletés de l’Emir en contrepartie des
biens conquis ici et là par la force.
Les deux situations rappellent les pactes passés par
nos intellectuels, notre élite en général avec les pouvoirs en place. Tantôt,
ils sont le dépotoir pour le Sultan du moment, tantôt son urinoir…
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