Tout se précipite. Après les avances faites par le
Président de la République à Néma sur la possibilité d’un report des élections,
l’ouverture de la CENI et la création d’un Observatoire des élections, il y a
eu cette réunion de la commission chargée du suivi des résultats du dialogue
entre le Pouvoir et les partis qui ont fini par constituer la CAP (coalition
pour une alternance pacifique comprenant l’APP de Messaoud, Wiam de Boydiel et
Sawab de Ould Horma). La réunion a ouvert sur une concertation entre les partis
de la CAP, ceux de la Majorité et la CENI. Le principe d’un report de cinq
semaines a été retenu ainsi que celui d’une discussion avec les partis de la
Coordination de l’opposition démocratique (COD) qui rejetaient le principe de
la participation. Du coup, un remue-ménage politique a eu lieu.
Certains partis de la COD ont déclaré vouloir revoir leurs
positions, des militants ont appelé à la participation, d’autres au boycott.
Les Islamistes de Tawaçoul ont été les premiers à tirer
vers une révision des positions, suivis de près par ceux de l’UFP. Seul le RFD
de Ould Daddah a tiré dans le sens contraire. Tir de barrage contre la
participation qui va nécessairement influer sur les sentiments des uns et des
autres.
Il ne faut pas oublier que les positionnements d’aujourd’hui
sont le fruit de ressentiments, de frustrations, de déception, de trahisons
(vraies ou fausses), d’attitudes personnelles parfois communautaristes… Ce qui
donne un paysage politique dont les protagonistes ne se battent pas pour ou
contre un projet de société, mais contre un homme. Ce qui unit ici, c’est plus
la haine de Ould Abdel Aziz, et là la haine de Ould Daddah… en tout cas ce ne
sont pas des lectures et des projections, donc des projets de société bien
réfléchis qui inspirent çà et là. Pourquoi en sommes-nous là ?
Il serait fastidieux de revenir sur les divergences de 2007
qui ont amené Messaoud Ould Boulkheir à soutenir le candidat Ould Cheikh
Abdallahi et à légitimer la victoire de celui-ci, ou encore, avant cela, à
l’incapacité de l’Opposition traditionnelle de se regrouper autour d’un
candidat unique, avant cela de rester ensemble devant le système Ould Taya, de
concevoir un programme alternatif et de pouvoir, le moment venu, l’imposer à
celui qui viendra nécessairement après Ould Taya, et avant tout ça, son refus
de participer aux élections législatives et municipales de 1992, acte qui
constitue le péché originel de cette Opposition qui a ainsi définitivement
corrompu le processus démocratique.
Revenons au processus de dialogue amorcé en 2010. En
juillet, Ahmed Ould Daddah, chef de file de l’Opposition, sortait optimiste
d’une rencontre avec le Président de la République Mohamed Ould Abdel Aziz dont
il reconnaissait pour la première fois le statut. Pendant les trois mois qui
suivent, toutes les sorties publiques de Ould Abdel Aziz étaient l’occasion
pour Ould Daddah et Ould Boulkheir, parfois Cheikh Mohamed Ould Dedew, de se
faire prendre en image à ses côtés. En octobre, Ould Boulkheir exige du
Président d’exprimer solennellement sa volonté de dialoguer avec l’Opposition
qui avait commencé à établir sa plate-forme consensuelle. Le 28 novembre 2010,
le Président Ould Abdel Aziz tend officiellement la main à l’Opposition et
déclare être prêt à ouvrir un dialogue «sans
tabou» avec elle. Moins de deux semaines après, la structure dirigeante de
la COD devient l’interlocuteur en lieu et place de l’Institution de
l’Opposition pourtant organe institutionnel. C’est donc le président en
exercice de la COD, Me Mahfoudh Ould Bettah qui doit prendre le relais. Mais
c’est le président Messaoud Ould Boulkheir qui s’impose en temps qu’interface
entre la Présidence et la COD.
C’est à l’issue d’une de ses rencontres avec le Président
qu’on lui prête des propos peu amènes que Ould Abdel Aziz aurait tenu à
l’encontre de Ould Daddah (où il l’aurait traité d’«imbécile» entre autres qualificatifs discourtois). Le département
de communication du RFD se fend d’une réaction d’une violence sans précédent.
C’est l’escalade par communiqués interposés.
Entretemps, les évènements de Tunisie se précipitent après
l’immolation du jeune Bouazizi. En quelques semaines, le régime Ben Ali est
balayé par une explosion populaire qui «contamine»
la Libye, l’Egypte, la Syrie, le Yémen, le Bahreïn, le Maroc… On croit alors à
un effet d’entrainement. Les Islamistes durcissent le ton et le positionnement.
Ils quittent la position de «mou’arada
naaçiha» (opposition critique constructive) pour celui de «mou’arada natiha» (opposition en
confrontation). C’est le processus de l’exigence du «rahil», sans les moyens nécessaires de le l’imposer.
Pendant que les uns, ceux de la COD, s’enferment dans une
logique radicale sans issue, Messaoud Ould Boulkheir et Bodyiel Ould Hoummoid
mènent tranquillement le dialogue avec la Majorité, sur la base de la plate-forme
élaborée par l’ensemble des partis d’opposition. C’est en partie pourquoi
toutes les questions seront soulevées et traitées à l’issue de ce dialogue dont
les lois sont approuvées une à une.
Tous les «dialoguistes»
expriment leur satisfaction et déclarent leur rejet de toute ouverture d’un
nouveau dialogue. Y compris le président Messaoud Ould Boulkheir qui reviendra
quelques semaines plus tard pour amorcer une démarche qui aboutira quelques
mois après à sa fameuse initiative.
Les choses se précipitent avec la première annonce de la
date fixée par la CENI entre le 15 septembre et le 15 octobre 2013, puis avec
l’annonce de la convocation du collège électoral, et enfin avec les avances du
Président de la République.
Le Président Ould Boulkheir se précipite pour accepter un
report de cinq semaines (pour le 24 novembre), mais n’attend pas de savoir si
la COD est intéressée ou pas. Comme si l’objectif était celui-là : se
donner le temps pour achever la COD qui, quoi qu’elle fasse, se condamne. En
participant, elle se dénie et reconnait de fait que ses gesticulations des
trois dernières années ont fait perdre un temps précieux à la Mauritanie et à
la démocratie en Mauritanie. En boycottant, elle perd une partie de son
électorat et se met dans la position du fauteur qui refuse toute ouverture.
Une fois encore, les mêmes hommes politiques se retrouvent piégés parce
qu’ils auront mal apprécié la situation de départ, sous-estimé les capacités de
l’adversaire, surestimé les leurs et ignoré voire méprisé le rapport de force
sur le terrain. Tous leurs échecs trouvent ici leur explication. Ils ne doivent
s’en prendre qu’à eux-mêmes. A personne d’autre.
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